Expédition de votre Canard enchainé

EXPEDITION SOUS 24H

Envoi soigné de votre Canard enchainé

ENVOI SOIGNÉ

Paiement sécurisé pour l'achat de votre Canard enchainé

PAIEMENTS SÉCURISÉS

Livraison offerte de votre Canard enchainé à partir de 15€ de commande

LIVRAISON OFFERTE À PARTIR DE 15€

Paiement sécurisé pour l'achat de votre Canard enchainé

PAIEMENTS SÉCURISÉS

N° 876 du Canard Enchaîné – 12 Avril 1933

N° 876 du Canard Enchaîné – 12 Avril 1933

59,00 

En stock

L’Amérique tout entière entre dans la bibine

Le 12 avril 1933, Le Canard enchaîné sabre la fin de la Prohibition : R. Tréno raconte, fausse dépêche à l’appui, comment « L’Amérique tout entière entre dans la bibine ». Bière, barils et statistiques ivres : les États-Unis célèbrent leur libération comme un raz-de-bière national. Sous les rires, Tréno signe une satire grinçante : le peuple qui se remet à boire, c’est le capitalisme qui se remet à tourner. En 1933, pendant que l’Europe s’enivre d’idéologies, l’Amérique, elle, trinque au retour du marché.

Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix

En stock

Canard au naturel
Canard en chemise

Chaque numéro ou journal anniversaire, peut être inséré dans une pochette cadeau au choix, d’un très beau papier pur coton, comportant une illustration originale spécialement réalisée pour COUAC ! par Fabrice Erre ou Laurent Lolmede, ou pour les premiers lecteurs du Canard Enchainé par Lucien Laforge.

Cette pochette cadeau assure aussi une conservation optimale du journal : un papier au PH neutre limitant la dégradation des vieux journaux sur la durée.

Décliné en 4 pochettes originales (Gratuite)
Pochette offerte pour toutes éditions d’un prix supérieur à 59€
Visualiser les illustrations en cliquant sur le nom des auteurs

Canard laqué

Enchâssé entre deux feuilles d’acrylique (plexiglass extrudé*) il s’exposera aux regards sous son plus beau jour.

Les propriétés anti-UV de ce plexiglass de 2 mm lui assureront une conservation optimale limitant le jaunissement.

Le maintien entre les deux plaques, avec 8 petites pinces nickelées, supprime la vue des plis ainsi que leurs effets indésirables. Les marges autour du journal sont de 2 cm et sont ajustées au format de l’édition, qui a varié au fil des décennies.

*Transparence, légèreté, résistance aux chocs et aux UV

Cette présentation est déclinée en 2 options :

Plexi transparent (30€) servant de fond, plus discret mais élégant il permet aussi la vision de la dernière page du journal.
Plexi noir (35€) servant de fond, il met en valeur la teinte et le format du journal, s’harmonisant parfaitement avec les encres noires de la page.

« L’Amérique tout entière dans la Bibine » : quand R. Tréno sabre le champagne de la Prohibition

Le 12 avril 1933, Le Canard enchaîné célèbre, à sa manière, un événement historique : la fin officielle du régime sec aux États-Unis. Dans « L’Amérique tout entière dans la Bibine », R. Tréno signe un reportage humoristique depuis “New York” — évidemment fictif, mais étayé d’un faux ton de correspondant international — pour raconter ce retour au “régime humide”.

Sous la plaisanterie alcoolisée, le Canard livre une lecture acérée du “dégel américain” : la fin d’une hypocrisie morale, mais aussi le triomphe d’un consumérisme plus cynique encore.

Le glas du régime sec

Tréno ouvre en reporter goguenard : « Il y a quatre jours qu’a sonné le glas du régime sec et que s’entre-choquent ceux (de glass) du régime humide. » Ce calembour initial — typique du Canard — annonce la couleur : un ton faussement enjoué, derrière lequel perce une critique sociale.
Car l’auteur ne célèbre pas seulement le retour du whisky ; il raille la façon dont les États-Unis, après treize années de prohibition (1920-1933), transforment leur libération en orgie nationale.

“Quatre jours pleins (et comment !) après lesquels on commence à voir enfin un peu clair dans les esprits” : tout est dit. L’Amérique, à peine dégrisée de la Grande Dépression, se saoule de nouveau — mais cette fois pour oublier la crise et les désillusions du “New Deal” naissant. Roosevelt vient d’entrer à la Maison-Blanche, et Tréno devine déjà le double fond du miracle américain : une nation qui croit résoudre ses drames par la consommation, fût-elle de bière.

L’ivresse des chiffres

Les “premières statistiques”, écrit Tréno, révèlent 500 000 barils de bière vendus dès le 7 avril. Mais “les statisticiens ont compté double en premier jour de liesse”, et le journaliste feint de calculer les dégâts : “14 millions 575 697 ivrognes, 77 497 blessés”.
Ce pastiche de dépêche économique détourne les tics du journalisme moderne : les chiffres remplacent les hommes, l’abus devient performance nationale. Dans le style de Rabelais revisité par Bertold Brecht, Tréno célèbre la démesure américaine tout en la condamnant : derrière les barils se cachent les ruines de Wall Street.

L’ironie s’élargit : “Quant à ceux qui avaient arrosé ça chez eux, personne n’était là pour les compter.” Le ton s’achève sur un faux sursaut moral : “Il faudra bien que M. Roosevelt, à l’instar d’Hitler, se décide à crier : ‘Amérique, réveille-toi !’”
La provocation est voulue : dans le même mois d’avril 1933, l’Allemagne nazie multiplie les persécutions antisémites. Le Canard, fidèle à son ironie corrosive, juxtapose l’ivresse démocratique et la fureur totalitaire : deux faces d’un même siècle de déraison.

Le grand guignol de la civilisation moderne

La seconde partie de l’article, intitulée “Les précautions”, imite les bulletins officiels : “Les choses se sont passées le mieux du monde, grâce aux précautions prises par les autorités.” On avait, dit Tréno, “muni tous les becs de gaz d’amortisseurs”, “prévu les trop-pleins” et “installé des pochettes-surprises pour dames dans les compartiments de train.”
Le comique tient ici à l’hyperbole bureaucratique : le retour de la liberté s’organise comme une mobilisation nationale. L’État régule même les excès qu’il prétend libérer — preuve, selon Tréno, que le puritanisme américain reste debout sous ses habits de fêtard.

Dans les bars, “une véritable ruée d’orgie” s’accompagne d’une prière professionnelle : “Frappe mais stout, disaient-ils stoïquement en tendant leurs chopes vides.” Le trait est d’une ironie féroce : l’Amérique boit comme elle prie, avec discipline. La morale, même ivre, demeure puritaine.

Une satire du monde moderne

Sous les rires et les litres de bière, L’Amérique tout entière dans la Bibine est une parabole du capitalisme renaissant. Roosevelt vient d’ouvrir la Bourse et de rouvrir les brasseries : l’argent et l’alcool coulent à nouveau, et le peuple applaudit. Tréno voit dans cette euphorie une libération sans conscience : « Réjouissons-nous qu’en prenant un peu de bouteille, les Américains se montrent enfin un peu plus mûrs. »
C’est le mot de la fin : la maturité par l’ivresse.

Sous ce rire d’ivrogne, le Canard glisse un diagnostic lucide : l’Amérique, sortie de sa “Prohibition morale”, s’apprête à devenir la référence du monde moderne — celle d’une civilisation qui transforme la soif en vertu civique et la bière en politique de relance.

Tréno, moraliste ivre de liberté

R. Tréno, fidèle à son style faussement badin, transforme la chronique internationale en fable sociale. Il moque les États-Unis, mais aussi la fascination européenne pour leur “modernité”. En France, où la crise économique s’aggrave, l’Amérique de Roosevelt reste un modèle. Le Canard, lui, dégonfle la bulle : derrière le sourire de l’Oncle Sam, il y a la même bêtise triomphante qu’à Berlin ou à Paris.

En avril 1933, alors que l’Europe bascule vers le fanatisme, Tréno célèbre l’ivresse démocratique — mais en souligne le vertige : trop de bière, trop de certitudes, trop de foi dans les chiffres. Son article est une cuite philosophique : il rappelle que la liberté, quand elle se mesure en barils, finit toujours par sentir le houblon rance.