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N° 881 du Canard Enchaîné – 17 Mai 1933

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Tout devient normal en Amérique du Sud – La Bolivie a déclaré la guerre au Paraguay

Le 17 mai 1933, Jules Rivet signe une satire magistrale : « La Bolivie a déclaré la guerre au Paraguay ». Dans Le Canard enchaîné, il transforme ce conflit du Chaco en farce diplomatique où les armées comptent leurs mulets et les diplomates leurs verres d’apéritif. Sous le rire, une dénonciation féroce : celle d’un monde qui trouve la guerre “normale” dès lors qu’elle est déclarée dans les formes. En 1933, tandis que la SDN se félicite et qu’Hitler arme l’Allemagne, Le Canard rappelle que le grotesque précède toujours la tragédie.

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“Tout devient normal en Amérique du Sud” : quand Jules Rivet tourne en dérision la guerre du Chaco

Le 17 mai 1933, Jules Rivet signe dans Le Canard enchaîné un article au titre faussement solennel : « La Bolivie a déclaré la guerre au Paraguay ». Une information réelle, mais traitée avec une ironie si désarmante qu’elle transforme l’absurde en lucidité. Sous le sous-titre « Tout devient normal en Amérique du Sud », Rivet se livre à un exercice dont il a le secret : montrer la folie du monde à travers la logique implacable du ridicule.

Ce qui se joue ici n’est pas qu’une querelle exotique entre deux pays méconnus ; c’est, sous sa plume, la répétition miniature de la folie européenne, celle qui a mené à 1914 et menace de recommencer en 1933.


La guerre “normalisée”

Dès la première ligne, Rivet frappe par son ironie glacée :

« La nouvelle que la Bolivie avait officiellement déclaré la guerre au Paraguay a causé à Genève une vive satisfaction. »

La “vive satisfaction” des diplomates de la Société des Nations (SDN) face à une guerre est évidemment un paradoxe mordant. Rivet se moque de cette bureaucratie pacifiste qui, au lieu d’éviter les conflits, se réjouit de les voir devenir “réguliers”. La guerre, dit-il, est redevenue conforme au droit international — et donc rassurante.

Le comble du cynisme est atteint lorsqu’il écrit :

« En déclarant loyalement la guerre, la Bolivie et le Paraguay ont mis fin à une situation que les vrais connaisseurs européens jugeaient parfaitement intolérable. »

Autrement dit, la paix troublait l’ordre diplomatique ; la guerre le rétablit. L’ironie vise directement le système de Genève, institution née des ruines de 1918 et déjà impuissante à prévenir les crises.


L’absurdité logistique des “armées”

Rivet s’amuse ensuite des proportions dérisoires du conflit. D’après “un communiqué officiel”, écrit-il, une armée paraguayenne “composée de quinze officiers et d’un homme” aurait délogé un corps d’armée bolivien.
Les Boliviens, “laissant sur le terrain un chapeau à larges bords et une mule mangée par les mouches”, incarnent le grotesque de la guerre coloniale : une aventure militaire menée dans le désert du Chaco, territoire aussi pauvre en intérêt stratégique qu’en population.

L’auteur joue sur le contraste entre la pompe des communiqués et la misère des faits : des guerres sans soldats, des victoires sans combats, des promotions absurdes — “l’homme de troupe a été nommé caporal et les officiers ont été promus généraux”.

La guerre devient ici une farce administrative, un théâtre où l’on distribue des galons pour sauver la face.


La diplomatie comme opérette

Rivet transporte ensuite sa scène à Genève, haut lieu du verbe impuissant. Les délégués de la SDN, M. Lesler (Irlandais) et M. Zumeta (Vénézuélien), censés “examiner la situation”, se retrouvent à l’apéritif, demandant au garçon “une mappemonde et des allumettes” pour situer le front.

Cette image burlesque — deux diplomates traçant la guerre au fond d’un café — condense toute la satire : l’écart grotesque entre les drames humains et le jeu des chancelleries.

Rivet excelle à faire surgir la vérité derrière le comique : ces “arbitres” mondiaux ne connaissent pas même la géographie des pays qu’ils prétendent pacifier. Ce n’est plus seulement l’Amérique du Sud qui est tournée en dérision, mais bien la prétention universaliste de l’Europe à régenter le monde.


La mécanique de la guerre, universelle et absurde

Sous la légèreté apparente, Rivet tisse un parallèle implicite avec la situation européenne de 1933. En Allemagne, Hitler vient de s’emparer du pouvoir ; en Asie, le Japon a envahi la Mandchourie sans que la SDN n’intervienne. Le monde s’embrase à nouveau par fragments, tandis que les diplomates, satisfaits, constatent que “tout rentre dans l’ordre”.

Le refrain ironique du journaliste — “tout devient normal” — prend alors un sens sinistre. Ce qu’il dénonce, c’est la normalisation de la guerre elle-même, l’habitude prise de la considérer comme un épisode administratif ou folklorique.

À la fin de l’article, il pousse le sarcasme à son comble :

« De cette façon, on peut être sûr que la guerre sera poursuivie jusqu’au bout, de gré ou de force, et qu’avec le concours des diplomates de carrière, tout sera fait pour amener coûte que coûte une rencontre sanglante entre les deux armées. »

C’est le monde à l’envers : la paix est un piège, la guerre une réussite. Derrière le rire, l’alerte : l’histoire se répète, et les “experts” du désastre sont à nouveau aux commandes.


Rivet, l’œil du Canard

Dans cette satire internationale, Rivet reste fidèle à la veine antimilitariste et anticolonialiste du Canard enchaîné. Ses chroniques de 1933, par leur fausse légèreté, sont d’une lucidité politique remarquable. Alors que la plupart des journaux se contentent de commenter la “crise du Chaco” comme un incident lointain, Rivet y voit le symptôme d’une pathologie mondiale : la fascination des États pour la guerre, fût-elle ridicule.

Son humour, comme celui de ses confrères Bénard ou Drégerin, ne cherche pas à distraire mais à dévoiler. En ridiculisant la Bolivie et le Paraguay, il ridiculise aussi la France, l’Europe, et tous ceux qui croient encore que la guerre “régulière” est une marque de civilisation.