N° 989 du Canard Enchaîné – 12 Juin 1935
N° 989 du Canard Enchaîné – 12 Juin 1935
59,00 €
En stock
Petite contribution à l’histoire de la presse française – Le journal sans lecteurs, par Jean Galtier-Boissière,
Jean Galtier-Boissière relate une rencontre avec un homme souhaitant lancer un quotidien pour faire fructifier son capital. Il lui conseille, de manière provocatrice, de créer un journal sans lecteurs pour maximiser les profits sans prendre de risques.
Galtier-Boissière souligne un paradoxe fascinant dans l’histoire de la presse quotidienne : un journal ayant un immense public peut être financièrement déficitaire, tandis qu’un autre, inconnu du grand public, peut être une excellente affaire. Cette observation contre-intuitive mérite une analyse plus profonde.
Le directeur d’un journal sans lecteurs continue à profiter des privilèges associés à la profession, comme les cartes de presse et les billets gratuits. Même après la disparition de publications connues, leurs anciens collaborateurs peuvent encore bénéficier de ces avantages.
De plus, malgré un faible tirage, un tel journal peut obtenir des contrats publicitaires lucratifs. Les raisons sont multiples : certaines entreprises continuent de soutenir financièrement ces publications par sympathie, des contrats anciens sont renouvelés automatiquement, et les agences de publicité préfèrent ces journaux pour les remises importantes qu’ils offrent.
Ces journaux peuvent parfois posséder des actifs considérables, comme un hôtel particulier, même si leur tirage ne dépasse pas quelques milliers d’exemplaires. Ils comptent sur les exemplaires envoyés gratuitement aux ministres, parlementaires, et autres notables pour asseoir leur influence. Le véritable pouvoir de ces journaux réside dans leur capacité à toucher un cercle restreint mais influent de décideurs, plutôt que le grand public.
Le seul article original de ces journaux est souvent l’éditorial du rédacteur en chef, un journaliste talentueux. Cet article vise à influencer les discussions parlementaires ou les travaux de certaines commissions en faveur des intérêts du commanditaire. L’objectif n’est pas de mobiliser l’opinion publique, mais de toucher directement quelques personnalités influentes.
Le directeur de ces journaux mène une vie confortable, équilibrant les maigres dépenses du journal avec les recettes publicitaires, les mensualités du commanditaire, et éventuellement les fonds secrets des ministères. Cependant, son plus grand souci est de voir son tirage augmenter, ce qui compliquerait la gestion de son journal sans lecteurs.
Galtier-Boissière conclut en illustrant l’absurdité de la situation par une anecdote : un administrateur de journal sans lecteurs se désolait d’avoir reçu quinze nouveaux abonnements à servir.
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
En stock





