N° 99 du Canard Enchaîné – 22 Mai 1918
N° 99 du Canard Enchaîné – 22 Mai 1918
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🖋️ Mesure complémentaire – Dire toute la vérité
Entre rationnements absurdes et taxes mystérieusement « disparues », l’édition du 2 mai 1918 du Canard enchaîné fait feu de tout bois. Victor Snell tourne en dérision les fameux « jours sans viande » en suggérant d’instaurer aussi des « jours sans légumes », tandis que Rodolphe Bringer s’indigne de la suppression discrète de la taxe sur le luxe. Quand le ravitaillement affame le peuple et que les privilégiés s’enrichissent, le Canard rappelle que l’humour reste une arme de vérité.
Interprétation, dessin de Marcel Arnac – L’embusquée, dessin de Bécan –
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La une du Canard enchaîné du 2 mai 1918 illustre parfaitement le double visage de la satire en temps de guerre : l’absurde quotidien du ravitaillement d’un côté, et l’indignation face aux injustices sociales de l’autre. Deux plumes s’y croisent, chacune avec son style : Victor Snell et Rodolphe Bringer.
Snell, dans « Mesure complémentaire », s’attaque à une mesure qui a marqué l’arrière : les fameux « trois jours sans viande » imposés par Victor Boret, ministre du Ravitaillement. Présentée comme un sacrifice patriotique pour économiser le cheptel et faire baisser les prix, la décision eut un effet pervers : en privant les ménages de viande, on se rabattit massivement sur les légumes, provoquant une hausse des prix. Avec un humour logique jusqu’à l’absurde, Snell propose alors un « complément » : instaurer trois jours sans légumes, pour équilibrer. Ainsi, le lundi, mercredi et samedi, on se passerait de légumes, et les autres jours, de viande ! Le dimanche seulement, on aurait droit à consommer les deux. Le raisonnement parodique, poussé jusqu’à la caricature, met en lumière l’ineptie d’une administration incapable d’anticiper les effets de ses propres mesures.
À côté, Bringer, dans « Dire toute la vérité », adopte un ton plus indigné. Il dénonce le scandale du retrait discret de la taxe sur le luxe. Alors que la presse officielle reste muette, que la censure bâillonne les critiques, Le Canard ose dire tout haut ce que tout le monde soupçonne : on ménage les riches pendant que le peuple endure pénuries, bombardements et privations. En opposant le sacrifice des soldats et des familles à l’arrière au confort des classes aisées protégées par des décisions opaques, Bringer fait de son billet un véritable acte politique.
La juxtaposition de ces deux articles en une est révélatrice de la ligne du Canard en 1918 : associer le rire et la dénonciation. Là où Snell fait éclater le ridicule bureaucratique par un raisonnement burlesque, Bringer rappelle avec colère qu’une société qui demande des efforts au peuple sans toucher aux privilèges de ses élites court à la fracture. Dans les deux cas, le journal assume son rôle : dire ce que les autres ne disent pas, quitte à choquer.
En somme, cette édition du 2 mai 1918 témoigne d’un humour qui, sous couvert de plaisanterie, était un moyen de résistance. Dans un pays saigné par quatre années de guerre, le Canard prouvait que rire restait une façon de ne pas se laisser duper — ni par les absurdités de la pénurie, ni par les injustices des puissants.

 
      



