Fumet de canard…

Lecteur contemporain du Canard Enchaîné, je flânais un beau jour dans une brocante quand je tombai museau à bec sur un trésor : un demi-siècle de « canards » rangés avec plus de soin qu’un ministre ses comptes aux Bahamas. Entassés dans des caisses poussiéreuses, ils avaient dormi des mois, jusqu’à ce que je décide de les adopter. Cent kilos de papier, patiemment pliés (au pire en deux), qui respiraient l’amour de leur ancien lecteur. Le papier ? Encore frais, juste jauni comme un élu après une commission d’enquête.

À peine sortis à l’air libre, ces numéros se sont mis à caqueter joyeusement sur les frasques et les couacs de l’Histoire que seul le Canard sait plumer avec autant d’art. Alors, respect oblige, je leur ai promis de dénicher de nouveaux lecteurs — des savants, des curieux, ou au moins des amateurs de bonne odeur de papier — capables d’apprécier leur fumet. Direction la pénombre, loin des UV assassins, au frais, à moins de 20 °, comme le recommande la BnF : pas un bunker, mais une cave saine, taille humaine, sans rats… ou alors des rats de bibliothèque.

Depuis, la bande s’est agrandie et patiente sagement, couchée à plat, attendant l’instant de se faire extraire par ceux qui voudront les réclamer.

Couac ! adresse son salut ailé et chaleureux à celles et ceux qui l’ont fait éclore de la plume du pinceau (Troubs, Laurent Lolmède, Fabrice Erre, Sylvain P.), ainsi qu’à ses clients et aux amoureux du Canard enchaîné qui savent que souvent, le papier sent meilleur que l’actualité.

L.GJB