12 mai 1937 – Guernica : le massacre… et le mensonge
Jean Galtier-Boissière démonte la propagande des amis de Franco
Dans Le Canard enchaîné du 12 mai 1937, Jean Galtier-Boissière signe un article titré « Le record de la mauvaise foi », une charge implacable contre la presse française de droite qui relaie sans scrupule les démentis grotesques du camp franquiste après le bombardement de Guernica.
Une tragédie niée, une presse complice
Galtier-Boissière s’en prend aux grands titres conservateurs comme L’Écho de Paris, Le Jour, ou encore L’Action française, qui — malgré les témoignages, les images et même le récit d’un prêtre basque survivant — persistent à défendre la version franquiste : Guernica n’aurait jamais été bombardée, elle aurait été incendiée par les Basques eux-mêmes.
Le Petit Parisien ose publier, sans commentaire, le télégramme du Times rapportant le raid, tandis que L’Action française va jusqu’à accuser les « Russes » d’avoir allumé l’incendie pour le faire endosser à l’ennemi.
Galtier-Boissière contre-attaque avec sa verve habituelle :
« Non seulement les Basques auraient incendié de leurs propres mains leur ville sainte, mais de toute évidence, les défenseurs de Badajoz se seraient suicidés volontairement… »
Témoignages occultés, indignation bafouée
Le témoignage du prêtre de Santa Maria de Guernica, rescapé, est relayé par la radio de Bilbao. Il affirme devant Dieu avoir vu les bombes incendiaires, les femmes et les enfants fuyant la mort. Mais aucun journal de droite n’en fera mention. Pas plus qu’ils ne publieront les paroles du chanoine de Onaindia ou les déclarations des catholiques autour de François Mauriac.
Même la Libre Belgique, pourtant conservatrice et catholique, rapporte les faits avec précision : les franquistes avaient annoncé qu’ils détruiraient la Biscaye, puis l’ont fait — avant de le nier. Le journaliste belge André Hoornaert, cité par Galtier-Boissière, démonte avec froideur l’absurdité de cette inversion accusatoire.
« Vous annonciez que vous alliez détruire toute la Biscaye. Quelques jours après, les Basques affirment que vous avez détruit une ville de Biscaye. Et vous protestez ! »
Une leçon sur la mécanique du mensonge
L’article se clôt sur une revue sarcastique des « bourreurs de crâne » qui, depuis le début de la guerre d’Espagne, ont proclamé chaque semaine la chute imminente de Madrid. Le florilège des titres relayés est hallucinant — et tristement familier dans sa logique.
Galtier-Boissière, en bon historien du mensonge officiel, conclut en fustigeant l’absence de sens critique du lecteur, trop habitué à l’intox pour la remettre en cause. C’est une leçon amère, mais précieuse. Et à l’heure des falsifications numériques et des propagandes virales, elle résonne aujourd’hui avec une force intacte.
📆 Publié le 12 mai 2025
✍️ Jean Galtier-Boissière, Le Canard enchaîné n°1089, 12 mai 1937
🕊️ En mémoire des victimes de Guernica, et de ceux qui refusèrent de fermer les yeux.