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La Mare aux Canards

Les années Giscarat
18 juin 1980

1980. Le septennat giscardien touche à sa fin et les affaires s’enchaînent :

Boulin, De Broglie, diamants de Bokassa, avions renifleurs… Tout ce que Valéry Giscard d’Estaing inspire – ou transpire – exaspère la rédaction du Canard enchaîné, d’autant que son pouvoir s’escrime à museler la presse trop curieuse, à la discréditer, et à nier tout scandale à coup de « démenti catégorique et méprisant ». Attitude hautaine, voire pédante, fausse modestie, afféteries diverses, favoritisme et boursicotage familial font que le ressentiment contre Giscard et sa clique devient viscéral. Une véritable détestation. En avril 1980 paraît le premier numéro des « Dossiers du Canard », sous le titre : « Giscard : la monarchie contrariée », entièrement consacré à ce « descendant de louis XV par l’escalier de service », qui n’a d’aristocratique que la morgue et dont la particule patronymique fut jadis achetée par son père Edmond.

Roger Fressoz (1921-1999),

alias André Ribaud, directeur de l’hebdomadaire satirique de 1970 à 1992, homme discret et ayant toujours refusé de participer au journalisme-spectacle, ne pouvait que constater, en pleine affaire des diamants, la censure exercée à la télévision et à la radio sur toute information émanant du Canard. Alors que les chaînes de télé avaient consacré de longs reportages au sacre de pacotille de l’empereur Bokassa à Bangui, elles furent beaucoup plus avares sur les informations relatives aux diamants. L’enregistrement d’une discussion téléphonique le 8 septembre 1980 entre Bokassa et Claude Angeli, mis à disposition de toutes les radios françaises, ne fut diffusé que par les radios étrangères. De peur, sans doute, de déplaire à l’Elysée. La presse écrite de droite, celle appartenant au magnat Robert Hersant notamment, fut tout aussi discrète…
Cela incita probablement Roger Fressoz à monter au créneau en acceptant l’invitation – au demeurant courageuse – de Jean-Louis Servan-Schreiber à participer, pendant une heure, à son émission « Questionnaire » sur TF1. Une fois enregistrée, l’émission devait être diffusée 6 jours plus tard, le 10 juin 1980 à 22 heures 25. Mais très vite, les dirigeants de la chaîne, Jean-Louis Guillaud en tête, veulent couper une phrase distillée par Fressoz : « L’affaire des diamants n’est pas une affaire privée : elle concerne le chef de l’État, toute une famille et toute une caste ». Phrase assassine, véritable crime de lèse-majesté !

Dans le numéro 3112 du Canard enchaîné paru le 18 juin 1980, le rédacteur en chef, Gabriel Macé, revient sur « ce remue-ménage, que l’interview de Fressoz a provoqué dans les hautes sphères de TF1. Bien entendu, Roger Fressoz fit savoir qu’il s’opposait à toute coupure. Finalement, l’émission est passée intégralement. Les téléspectateurs ont pu constater que les questions posées par Jean-Louis Servan-Schreiber étaient sans complaisance vis-à-vis du Canard. Certains téléspectateurs et des commentateurs lui ont même reproché son attitude parfois « agressive », et son insistance à poser des questions dures ou « gênantes ». Nous ne sommes pas d’accord avec ces critiques : dures ou pas, Jean-Louis Servan-Schreiber a posé de vraies questions ; il a fait son métier. Il n’était pas là pour passer le séné et la rhubarbe comme le font – n’en déplaise à M. de Closets -, les elcabots et les duhamels de service. A questions sans complaisance, réponses sans complaisance. L’interviewer et l’interviewé ont respecté la règle du jeu. Peut-être le directeur du Canard a-t-il assorti ses répliques d’un sourire en coin qui manquait parfois à son vis-à-vis ? Mais ça, c’est de la déformation professionnelle ».

A noter que « Questionnaire », créé en 1973, prit fin en 1981.

SP

* Dessin de Guiraud, publié dans Les dossiers du Canard N°1, p41 – avril 1981