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La Mare aux Canards

Putain de camion
25 juin 1986

« Le premier canard à parler de moi, ce fut le Canard enchaîné »

confia Serge Gainsbourg à propos de ses débuts sur scène, faisant allusion à l’article du Canard du 12 novembre 1958, signé Boris Vian, élogieux à son égard. Si Le Canard sait dégonfler les baudruches, il sait aussi repérer les authentiques artistes, dans ses pages culturelles et de variétés. Ainsi les débuts de Georges Brassens sont salués avec enthousiasme par René Fallet, dans un article publié le 29 avril 1953.
Dans l’article du 11 septembre 1974, Bernard Chapuis parle de Coluche, né Michel Colucci (1944-1986), après avoir vu son spectacle au « Caf’ Conc » : « Coluche, c’est le lexique de ceux qui ne savent pas parler, qui n’ont rien à dire, et qui racontent des histoires pour meubler les vides […] L’histoire d’un mec qui ne parvient pas à raconter son histoire ou qui l’a comprise de travers […] Bref, on ne s’ennuie pas avec Coluche, d’autant qu’avec sa salopette à raies, ses lunettes de métal et sa voix désagréable, ce petit bout d’homme a l’art de mélanger les hésitations et de parler de vessies pour décrire des lanternes ».

La carrière de Coluche fut courte mais dense, avec des hauts et des bas. Il aura touché à tout : chansons, sketchs, radio, télé, cinéma, politique, humanitaire… avec des succès divers. Capable, par exemple, de jouer dans bien des « nanars » mais de remporter le César du meilleur acteur en 1984 pour « Tchao Pantin », dans un rôle dramatique. Tour à tour provocateur ou agitateur, pathétique un soir dans « Droit de réponse » de Michel Polac, puis exubérant lors du mariage bidon avec Thierry Le Luron, singeant celui d’Yves Mourousi.
Lui qui était issu d’un milieu défavorisé (« Je ne suis pas un nouveau riche, je suis un ancien pauvre ») fonde les « restos du cœur » en 1985. Cette association – initialement conçue pour une durée provisoire pour pallier les carences sociales – est aujourd’hui une initiative pérenne, qui aide les plus démunis.
Le 19 juin 1986, Coluche quitte Cannes peu avant 16 heures pour rentrer à Opio sur une moto (Honda 1100 VFC), accompagné de deux amis. Sur la départementale 3 entre Valbonne et Châteauneuf-Grasse, alors que les trois motards s’apprêtent à croiser un semi-remorque benne venant en sens inverse, ce dernier, effectue un virage sec à gauche, en vue de traverser la route et entrer dans une décharge. Les deux autres motards ont le temps de freiner, mais Coluche, qui ne porte pas de casque, ne peut éviter la collision. Sa tête heurte l’avant-droit du véhicule de 38 tonnes, il est tué sur le coup, aux alentours de 16 h 30. Libération, le lendemain, sort un numéro spécial : « C’est un mec, y meurt ».

Dans le numéro 3426 du Canard enchaîné paru le 25 juin 1986, hommage lui est rendu, sans ambages, sans hypocrisie : « Un immigré italien se tue à moto contre un camion français, et voilà que toute la presse pleure à larmes chaudes, que c’en aurait fait marrer le défunt […] Pourquoi faire autant d’histoires autour de cet « histrion salace », ce « comique crasseux », voire ce « clown trivial » justement dénoncé par l’ami des braves gens, Max Clos, dans son édito du Figaro du 21/6 ? Indécente la réaction de François Mitterrand, qui a dit « Il était très fin, il avait une réflexion ». Dégueulasses, les propos de cet enfoiré de Léotard, qui ose parler du « goût amer d’un vide ». À se poiler, d’entendre Chirac exalter la « grande verve comique et satirique indiscutable » de cet ex-candidat à l’élection présidentielle de 1981, qui lançait des vents en guise de slogans, du genre « un pour tous, tous pourris » […] À l’époque, tous, de gauche à droite, en passant par le ventre, s’étaient récriés : « On ne plaisante pas avec l’élection du président « . Le mec n’a pas rigolé longtemps, ce n’était pas son truc. Il était vulgaire. Un max. Tellement qu’Europe 1, qui n’arrête pas de l’enterrer, lui avait filé le plus fabuleux des contrats pour raconter ses cacaphonies. L’idée des « restos du cœur », c’était tellement démagogique qu’on a vu toute la classe politique venir laper la bonne soupe en compagnie de Coluche sur TF 1 ».

Pour sa part, Coluche avait estimé, en 1980, que « Le Canard et lui-même étaient les seuls « subversifs en France » ».

SP

*Dessin de Cardon, publié dans l’édition du canard enchainé du 25 juin 1986