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La Mare aux Canards

De l’oisiveté en temps de guerre
27 mars 1918

Pour favoriser l’accroissement de la production agricole, en cette période d’intenses restrictions, Victor Boret, ministre de l’Agriculture et du ravitaillement, dépose trois projets de loi le 19 mars 1918, et toute la presse s’en fait l’écho dès le lendemain, sans plus d’analyse critique ni de commentaires, en noircissant ses colonnes du seul contenu des projets.  Le troisième projet de loi consiste en la création d’un « corps auxiliaire agricole », ayant pour but « d’affecter obligatoirement aux travaux agricoles, les oisifs et les chômeurs ». Il sera constitué par voie de réquisition, à partir de listes constituées d’hommes de 15 à 50 ans, de nationalité française, alliée ou neutre et non incorporables. Cette perspective inspire la vision d’un âge d’or à Lucien Laforge, dont le dessin figure en Une du Canard Enchaîné du 27 mars 1918.

Une commission sera chargée d’écarter les jeunes gens poursuivant des études, les hommes exerçant une profession « utile » au pays, et les hommes inaptes à tout travail agricole. Les hommes n’entrant pas dans ces catégories et par conséquent retenus, formeront dans chaque département une compagnie, encadrée par des officiers et des gradés désignés par le ministre de la guerre.

Le journal L’Écho de Paris précise à ses lecteurs, que « le recensement des oisifs n’a jamais été effectué » et que « le nombre de chômeurs est sujet à des variations sensibles d’un mois sur l’autre ». Il n’est toutefois « pas douteux que l’apport de cette main d’œuvre serait d’un réel secours » et que « la levée des récoltes n’exige pas absolument des hommes expérimentés ».

En juin, la Chambre va être amenée à discuter du projet de loi Boret. « Le Journal » précise que l’initiative de Victor Boret part d’un bon naturel et d’un « sens averti des nécessités de l’heure ». Mais qu’il est manifeste que le projet a été élaboré à la hâte, car le temps presse. En effet, pour ce qui est des hommes de nationalité « alliée ou neutre », on n’a point songé à interroger le ministère des affaires étrangères, qui fait connaître qu’un grand nombre de pays affranchissent leurs ressortissants de toute réquisition…

Plus grave, toujours selon « Le Journal », c’est parmi les citadins que l’on recrutera ce corps auxiliaire agricole. Mais que fournirait une « cohorte hétérogène et improvisée où se coudoieront tous les âges, tous les métiers et tempéraments ? ». Le groupe de la défense paysanne fait ressortir « qu’elle rendrait peu de services, qu’il est dangereux de prendre dans les villes des chômeurs, de moralité parfois douteuse, pour les envoyer dans les fermes où il n’y a plus guère que des femmes, … » Il déclare aussi qu’il serait bien préférable d’utiliser les vieux agriculteurs travaillant dans les usines.

Par ailleurs, le projet du gouvernement exclue de la réquisition les hommes qui ont une profession « utile au pays ». Quelle profession peut-on déclarer inutile au pays ? « Va-t-on envoyer un éminent assyriologue lier les gerbes, sous prétexte que les faits et gestes de Tiglath-Phalazar III sont sans intérêt pour la défense nationale ? »

La commission d’administration générale, par la voix de son rapporteur le député Henri Queuille, retoque le projet de Loi et soumet à la Chambre une simple proposition de « recensement des oisifs volontaires et involontaires ».

Oisifs et assyriologues pourront retourner à leurs occupations, … ouf !