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La Mare aux Canards

Le « Canard » redevient « enchaîné »
5 mai 1920

Le Canard redevient « enchaîné » – 5 mai 1920

Un retour aux chaînes… par ordre du juge

Le Canard enchaîné, qui avait brièvement perdu son adjectif pour s’appeler simplement Le Canard déchaîné, redevient en mai 1920 enchaîné… mais cette fois, littéralement. Dans son numéro du 5 mai 1920, l’hebdomadaire publie un fac-similé d’une convocation officielle : un billet du juge d’instruction Jocelyn, daté du 29 avril 1920, demandant au « sieur Canard Déchaîné » de se présenter le 30 avril au Palais de justice, sous peine d’être appréhendé manu militari.

Le motif ? Avoir publié — ou plutôt, promis de publier — un article jugé « outrageant » à l’égard de M. Alexandre Millerand, président du Conseil et ministre de la Guerre. Ce texte, à en croire les rédacteurs du journal, n’a même pas encore été imprimé. Peu importe : le magistrat poursuit tout de même. Ce qui donne lieu à une protestation cocasse et enlevée dans les colonnes du journal, sous le titre :
« On cherche à nous impliquer dans le grand complot — Mais notre âme est pure et nous n’avons pas les foies », avec en note, bien sûr : « (1) de canard ».

Quand satire rime avec subpoena

La rédaction se joue des menaces avec verve et ironie. On y lit par exemple :

« Est-il admissible qu’on soit poursuivi pour ce qu’on a seulement projeté d’imprimer ? »

Et plus loin, pour rassurer le juge :

« Nous avons promis au juge tout ce qu’il demandait, et même davantage. »

Mais le ton reste amer sur le fond : ce procès révèle les tensions extrêmes autour de la liberté de la presse dans une Troisième République pourtant fière de son héritage démocratique. Le Canard, malgré son ton farceur, pointe du doigt le retour des tentations autoritaires, alors même que les journaux gouvernementaux bénéficient d’un traitement plus qu’indulgent.

Le dessin de H. Guilac est sans ambiguïté : un policier tire à la chaîne un canard littéralement enchaîné, sous les yeux désapprobateurs d’un juge grognon.


📜 Ce que nous dit encore ce Canard centenaire

Un siècle plus tard, cet épisode garde toute sa saveur — et son actualité. Il rappelle que la satire, même la plus joyeuse, reste une cible politique. En mai 1920, c’est le style et la suggestion moqueuse que l’on veut museler ; mais le Canard résiste à sa manière, en publiant… l’absurde répression elle-même. Il redevient « enchaîné », certes, mais pour mieux se moquer de ses chaînes.