« Éducation de Prince », ou comment Morvan Lebesque étrille la charité-spectacle (Le Canard Enchaîné, 23 avril 1952)
Un coup de griffe contre les bienfaiteurs médiatiques
Dans cet article paru en avril 1952, Morvan Lebesque n’y va pas par quatre chemins pour dénoncer l’hypocrisie des émissions radiophoniques comme « Reine d’un Jour », véritables cirques médiatiques déguisés en bienfaisance. Il fustige avec ironie ces jeux de la charité, où l’on exhibe sans vergogne des femmes et des enfants frappés par le malheur, avec pour seule consolation quelques cadeaux dérisoires – savon Catox, bicyclette, machine à laver – symboles grotesques d’une générosité cynique et superficielle.
La misère, une marchandise comme les autres
Avec un sens aigu de la satire, Lebesque décrit la façon dont la détresse humaine devient un spectacle rentable. L’auteur cible particulièrement ces organisateurs et leurs sponsors, qui font de la misère un argument de vente. Il raille la « Charité à coups de cymbales » qui récompense les plus malheureux par une gloire aussi brève que creuse, soulignant la perversité d’un système où la souffrance est réduite à un divertissement.
Le sarcasme au service d’une indignation salutaire
Morvan Lebesque excelle dans le sarcasme. Il s’adresse directement au « Prince Catox », symbole dérisoire d’une société qui prétend soigner les blessures sociales avec des pansements publicitaires. Son texte est à la fois drôle et mordant, mais derrière le rire grince une indignation profonde : en transformant la misère en attraction, la société refuse d’en traiter les causes véritables.
Un pamphlet toujours actuel
Si Lebesque pointe du doigt les travers médiatiques de son époque, son texte demeure malheureusement très actuel. Aujourd’hui encore, ce genre d’émissions et de pratiques médiatiques, bien qu’adaptées à l’ère télévisuelle ou numérique, continue d’exploiter la détresse à des fins commerciales ou spectaculaires. Lebesque, par son regard incisif, rappelle l’urgence d’une prise de conscience face à ces dérives cyniques de notre société.
L’article de Lebesque, incisif et visionnaire, reste une leçon salutaire sur la nécessité de combattre l’exploitation du malheur par l’industrie du divertissement, toujours avec cette verve et cette liberté de ton qui font l’âme du Canard Enchaîné.