Le Larzac, Havana sur Causse – Quand le Canard mit les pieds dans la mare
Le 16 mai 1973 : un article classé « source secrète »… dans les colonnes du Canard
Dans son numéro du 16 mai 1973, Le Canard enchaîné publie une pépite de satire géopolitique : un article intitulé « Larzac, capitale La Havane », brocardant les fantasmes sécuritaires d’un État persuadé que les paysans de l’Aveyron étaient sous influence castriste. Dans une mise en page parsemée de tanks, d’espions et de tampons confidentiels, le palmipède dévoile avec son ironie coutumière un rapport des services secrets français soupçonnant la résistance rurale… d’être orchestrée par des agents de Cuba, excusez du peu.
« Français, on vous a trompé sur le Larzac ! »
Une mare, une parcelle et beaucoup de panache
Mais Le Canard, en bon pamphlétaire, ne se contente pas de rire. Il agit. Lorsque les éleveurs du Larzac, menacés d’expropriation, proposent à la vente leurs terres divisées en centaines de micro-parcelles agricoles, le journal satirique se porte acquéreur d’un lopin avec mare. Le but ? Entraver l’expansion du camp militaire par des recours juridiques savamment montés.
Ce fut plus qu’un geste : ce fut un engagement de presse, rare, ferme et drôle. Au plus fort de la mobilisation citoyenne, en 1978, la rédaction défile même dans les rues de Paris avec sa propre banderole. Ce n’était arrivé qu’en 1936.
“Gardarèm lo Larzac”… avec humour
Dix ans plus tard, le projet d’extension militaire est abandonné par François Mitterrand. La lutte, non violente mais pugnace, des éleveurs d’un causse balayé par le vent aura trouvé en Le Canard un allié inattendu mais précieux.
Dans cette chronique au vitriol, l’hebdomadaire n’a pas seulement moqué les craintes paranoïaques de la Défense nationale. Il a pris parti pour une autre vision du territoire, de la démocratie, et de l’humour engagé au service des luttes locales.