N° 119 du Canard Enchaîné – 9 Octobre 1918
N° 119 du Canard Enchaîné – 9 Octobre 1918
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Et COCHIN ?
Le 9 octobre 1918, Henri Béraud s’empare dans Le Canard enchaîné du cas de l’abbé Cochin, un ecclésiastique compromis dans l’ouverture du courrier des poilus. Sous sa plume, l’affaire devient une farce grinçante, où les « autographeurs » d’arrière se disputent les lettres des soldats comme des trophées, avant que la justice ne s’en mêle. Béraud raille un système où certains moisissent en prison tandis que d’autres s’engraissent à vingt francs le maximum.
« RAMOLLISSEMENT », dessin de Lucien Laforge
« Concours d’échos pour L’Intran » – À quelques semaines de l’armistice, la veine comique du concours atteint une intensité particulière. Les récits parodiques, toujours nourris des contributions de lecteurs, montrent combien la lassitude face au bourrage de crâne est partagée. L’humour sert ici de soupape : rire des clichés lacrymaux, c’est aussi préparer la sortie de guerre.
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Avec son article « Et Cochin ? », paru à la une du Canard enchaîné du 9 octobre 1918, Henri Béraud poursuit son entreprise de dégonflage des baudruches de l’arrière. Cette fois-ci, sa cible est un ecclésiastique bien connu du temps, l’abbé Cochin, dont les « exploits » tiennent moins du ministère pastoral que de l’espionnage postal.
Béraud dresse d’abord un portrait ironique du personnage : ce « saint homme » mobilisé dans les tranchées de Bellegarde se livrait à une occupation pieuse en apparence, mais bien profane dans les faits : ouvrir le courrier des poilus, en prélever les morceaux les plus croustillants, puis les transmettre à Dom Fesse, bénédictin et collectionneur invétéré. L’abbé Cochin se muait ainsi en pourvoyeur d’autographes, mêlant sacré et dérisoire, dans une comédie où la curiosité malsaine se drapait des oripeaux de la charité chrétienne.
La justice, un jour, crut bon de mettre son nez dans cette collection clandestine. On surprit l’abbé la main dans le sac avec une lettre de Marcel Sembat, et l’affaire fit scandale. Mais Béraud ne s’attarde pas à l’instruction : ce qui l’intéresse, c’est la disproportion entre le sort de cet abbé et celui d’autres profiteurs de guerre. Car tandis que Cochin croupit dans ce qu’il appelle avec ironie le carcero doré, d’autres personnages bien plus compromis s’en sortent à merveille, gavés de repas hors de prix dans les restaurants de l’arrière.
La cible véritable de Béraud n’est pas seulement l’abbé, mais l’injustice sociale et politique que révèle son cas. Pourquoi Cochin, qui n’a fait « que » violer le secret des correspondances, est-il cloué au pilori, quand les « acteurs-flics » et les « rapporteurs-moutons » de la censure continuent leur carrière sans encombre ? Derrière le ton goguenard, c’est une revendication d’égalité devant la loi que formule le chroniqueur.
Avec sa verve coutumière, Béraud conclut en réclamant ironiquement qu’on récompense l’abbé : envoyez-le donc en Amérique ou offrez-lui une ambassade ! La satire frappe fort, car elle dévoile la duplicité d’un système où les fautes se punissent ou s’oublient selon le rang social et l’opportunité politique.
L’article illustre bien l’art de Béraud : prendre une affaire apparemment mineure, un épisode presque grotesque, pour en faire le révélateur des hypocrisies d’une société en guerre. À travers l’abbé Cochin, c’est tout un arrière complaisant et inégalitaire qui est mis en accusation.





