N° 705 du Canard Enchaîné – 1 Janvier 1930
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1er janvier 1930 : Scize lance une pétition… pour Paul Vaillant-Couturier
Dans ce brûlot de nouvel an, Pierre Scize renverse le jeu des grâces : tandis que tout Paris réclame la libération de Léon Daudet, il propose d’en accorder une à Paul Vaillant-Couturier, écrivain communiste tout juste sorti de prison. Avec une ironie glacée, Scize oppose le royaliste bouffi de privilèges à l’intellectuel militant persécuté. Son texte, d’une intensité rare, dénonce la morale à géométrie variable d’une République qui pardonne les puissants et traque les gêneurs. En guise de vœux pour 1930, Le Canard enchaîné signe ici un manifeste de justice sociale.
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1er janvier 1930 : Scize défend Vaillant-Couturier contre l’hypocrisie des “amis de Daudet”
À la une du Canard enchaîné du 1er janvier 1930, Pierre Scize signe l’un de ses textes les plus percutants : « Daudet tout seul ? Sans blague ! ». L’article s’inscrit dans la polémique qui agite alors le monde politique et littéraire : la demande de grâce pour Léon Daudet, l’écrivain monarchiste de l’Action française, condamné pour diffamation après l’affaire de son fils Philippe.
Mais au lieu de s’en tenir à la satire mondaine, Scize retourne la situation avec une force morale et politique saisissante. Il commence par reconnaître une forme de fascination pour Daudet : son “verbe ordurier”, sa “verve jovialement ordurière”. Puis il raconte comment cette truculence s’est transformée en haine méthodique, en “acharnement sadique” contre tous ceux qui osaient penser autrement. Ce portrait du polémiste déchu — “le torrent de boue recommença à faire son bruit monotone” — est une mise à mort littéraire autant qu’éthique.
Mais la véritable cible de l’article n’est pas Daudet : ce sont ses soutiens. Scize dénonce avec une rage froide “les larmes de Daladier”, “le cœur sur la main d’Herriot”, et la pétition signée par Dorgelès, Duhamel, Lecomte, ou Vanderem. Tous ces intellectuels, écrit-il, “se pressent à pleines mains leurs cœurs tout neufs de bonté miséricordieuse” — pour Daudet, et Daudet seul. Leur compassion sélective devient un scandale moral.
Et c’est là que Scize frappe fort : il oppose à cette indulgence mondaine la détresse d’un autre écrivain, Paul Vaillant-Couturier, poète, journaliste et militant communiste, emprisonné pour ses écrits pacifistes et ses attaques contre la politique coloniale. Libéré “pour raison de santé”, il reste sous surveillance, guetté par la police “qui attend qu’il soit rétabli pour l’emprisonner à nouveau”.
Scize ne plaide pas seulement la cause d’un homme : il défend une idée de la justice. Tandis que le gouvernement Tardieu accorde les faveurs de la grâce à un nationaliste grisonnant, il continue de persécuter ceux qui “servent la cause du bonheur humain”. Le parallèle est implacable : “Souffrirez-vous que Daudet revienne, et que Vaillant-Couturier, malade, retourne en prison ?”
Dans cette adresse enflammée, Scize interpelle personnellement Dorgelès et Duhamel, auteurs qu’il respecte, les exhortant à signer, cette fois, une pétition “pour Vaillant-Couturier”. Il conclut en prophétisant :
“Je sais que la pétition que j’ouvre ici dans ce journal libre, c’est vous, Duhamel, c’est vous, Dorgelès, qui la porterez à Daudet pour qu’il la signe. Le premier.”
Cette phrase, superbe et cruelle, achève de renverser la scène médiatique : Le Canard enchaîné transforme le cri de pitié mondain en manifeste de cohérence.
Dans la France de 1930, où le gouvernement Tardieu rêve d’ordre et de discipline, cet article est un coup de poing. Scize y rappelle que le Canard, loin de se contenter du rire, sait aussi défendre le droit, la justice et la dignité des “détenus politiques”. Ce jour-là, l’humour devient une arme, et la satire un acte de résistance.





