N° 722 du Canard Enchaîné – 30 Avril 1930
N° 722 du Canard Enchaîné – 30 Avril 1930
69,00 €
En stock
30 avril 1930 — Les vacances “incognito” de M. Tardieu
Drégerin et Guilac dévoilent le réalisme en goguette
Quatre jours de “repos” bien mérité pour André Tardieu et son entourage : cigare, palmier et journalistes sous surveillance. Dans cette chronique irrésistible, Drégerin transforme la villégiature gouvernementale en vaudeville politique. Entre confidences d’État et mousseux du Midi, le “réalisme” du président du Conseil prend des airs de pique-nique d’apparatchiks.
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
En stock
M. Tardieu et son entourage se sont reposés “incognito”
À la veille du 1er mai 1930, Le Canard enchaîné s’offre une chronique de détente… sur les vacances du pouvoir. Dans « M. Tardieu et son entourage se sont reposés “incognito” », Drégerin se moque du chef du gouvernement, dont la prétendue retraite “discrète” vire à la caricature du loisir politique : un repos sous surveillance, entre ministres, journalistes et dossiers budgétaires.
Depuis plusieurs mois, André Tardieu, président du Conseil depuis novembre 1929, tente d’imposer son “gouvernement de réalisme” — slogan que Le Canard s’emploie à retourner contre lui semaine après semaine. Le 30 avril, ce “réalisme” prend la forme d’un week-end varois organisé par le fidèle Fernand Bouisson, dans sa propriété du Sud, où le président et ses proches viennent goûter un repos bien mérité. Du moins officiellement, car Drégerin n’en croit rien : « On connaît les relations personnelles, indissolublement indéfictibles, avec le président du Conseil… » écrit-il, feignant de respecter le secret tout en le piétinant allègrement.
Le récit se lit comme une chronique mondaine d’un genre nouveau : Tardieu, Laval, Bouisson et quelques autres y apparaissent attablés entre orangers et massifs de bégonias, surveillés de près par la Sûreté générale et “une cinquantaine de journalistes attachés à la place Beauvau”. Même en villégiature, le chef du gouvernement reste entouré d’un appareil administratif comique et tentaculaire — métaphore parfaite de son mode de gouvernement.
Les dialogues rapportés par Drégerin donnent la mesure de la parodie :
— « Encore une bouteille de Clicquot que les radicaux ne boiront pas. »
— « L’opposition ? Je lui marche dessus et je lui crache à la figure. C’est clair ? »
Les “mots historiques” de Tardieu, transmis par un Bouisson obséquieux, deviennent des citations grotesques, transformant la chronique politique en vaudeville ministériel. On imagine les conseillers courant dans le jardin, le chef fumant un cigare “incognito”, et les ministres travaillant “dans les orangers”.
Le dessin de Guilac parachève la satire : on y voit Tardieu et ses proches, en costume clair, attablés sous un palmier, cernés par une nuée de journalistes à moitié dissimulés. L’ambiance évoque plus un congrès colonial qu’un séjour de repos. C’est d’ailleurs bien le sujet de fond : Tardieu, qui prône la rigueur et la discipline, incarne un pouvoir clos sur lui-même, imperméable aux crises sociales qui grondent.
Nous sommes alors à la veille du 1er mai, et les manifestations ouvrières inquiètent le gouvernement. Drégerin n’y fait pas directement allusion, mais son ironie souligne le contraste : pendant que les ministres se “reposent”, la France travaille, proteste et s’inquiète d’une crise économique encore latente. Le “réalisme” tardivien, sous sa plume, devient un mot creux : un gouvernement qui prétend se reposer en travaillant, ou travailler en se reposant, jusqu’à l’absurde.
La chute, faussement rassurante, clôt le tableau : « Qu’on se rassure donc, et que les patriotes dorment sur leurs deux oreilles… Même en vacances, M. Tardieu continue d’être un gouvernement qui gouverne. » Tout est là : le Canard résume en une pirouette l’hypertrophie du pouvoir exécutif et la vanité d’un discours officiel qui ne trompe plus personne.





