N° 748 du Canard Enchaîné – 29 Octobre 1930
N° 748 du Canard Enchaîné – 29 Octobre 1930
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29 octobre 1930 — Tardieu et Blum à la même table !
Un déjeuner « sans incident », mais plein de sel !
Sous la plume du Canard enchaîné, la rencontre entre André Tardieu et Léon Blum devient une comédie politique irrésistible. Entre homard thermidor et bons mots, la droite et la gauche s’échangent courtoisie et méfiance. Louise Weiss peut souffler : sa vaisselle a survécu. Mais la République, elle, digère mal ce grand écart de salon.
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MM. Tardieu et Léon Blum ont déjeuné sans incident
Le 29 octobre 1930, Le Canard enchaîné consacre sa page 3 à une comédie politique savoureuse : « MM. Tardieu et Léon Blum ont déjeuné sans incident ». Le titre, faussement rassurant, donne le ton : derrière l’apparente cordialité d’un banquet républicain se cache tout le piquant d’une rencontre improbable entre les deux pôles de la vie politique française.
L’événement est réel : Louise Weiss, journaliste, écrivaine et fondatrice du magazine L’Europe nouvelle, avait organisé un déjeuner à Paris réunissant autour de sa table deux hommes que tout oppose : André Tardieu, président du Conseil, représentant de la droite modérée et autoritaire, et Léon Blum, chef de la SFIO et figure intellectuelle du socialisme démocratique. À une époque où la France est travaillée par la peur du communisme et la montée des ligues d’extrême droite, un tel face-à-face relève de la gageure : la droite et la gauche ne se parlent plus guère qu’à travers les invectives parlementaires.
Le Canard, fidèle à sa tradition, ne raconte pas le banquet : il le met en scène. Tout y est pastiche, dialogue inventé, satire mondaine. Louise Weiss, en maîtresse de maison anxieuse, redoute que ses convives « se mettent en morceaux ». Mais tout se passe “sans incident”, nous dit-on — et c’est bien là que commence la drôlerie. Entre le camembert et le champagne, les échanges de politesse se muent en duel d’esprit : Blum chuchote à l’oreille de Tardieu, Tardieu réplique par des boutades, et chacun s’inquiète de ce que “ses militants” penseront de tant de civilité.
Sous l’humour léger perce une ironie mordante : ce déjeuner symbolise l’impuissance d’une République de salons, où les adversaires politiques rivalisent de courtoisie tout en consolidant leurs clivages. Blum, l’intellectuel humaniste, devient ici un personnage de théâtre, sirotant sa camomille tout en prophétisant la victoire du prolétariat ; Tardieu, le technocrate ambitieux, incarne la droite sûre d’elle, convaincue d’être le dernier rempart contre le désordre. Le tout baigne dans une hypocrisie aimable, que Le Canard résume dans une réplique :
“Le socialisme, voilà l’ennemi ! Classe contre classe, nom de Dieu !”
“Et mes curés, donc ! Tu ne rends pas compte ?”
La scène se clôt sur une promesse d’affrontement futur : Blum et Tardieu se retrouveront à la Chambre, le 4 novembre, pour un combat politique bien moins feutré. La farce mondaine rejoint alors la chronique parlementaire : ce déjeuner sans incident n’est qu’un entracte avant le retour de la lutte des classes.
Le dessin de H. Guilac, montrant les convives s’échangeant des politesses au milieu des vapeurs de plats, complète ce tableau ironique d’une France à table, où la politique se dilue dans la sauce républicaine.
Dans cette fable de la politique en habits noirs, Le Canard livre une leçon intemporelle : en France, la convivialité n’empêche pas les coups bas — elle les prépare.





