N° 774 du Canard Enchaîné – 29 Avril 1931
N° 774 du Canard Enchaîné – 29 Avril 1931
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29 avril 1931 — La Mare aux canards siffle la fin du spectacle
Herriot, Tardieu, Laval… et la République en mode comédie
Sous la plume de Buzelin et des chroniqueurs du Canard, la politique française tourne à la farce : Tardieu siffle son propre discours, Herriot joue les revenants, Laval s’essaye au bon mot. En pleine crise du radicalisme, La Mare aux canards dégonfle les baudruches du pouvoir : la République continue, mais le public, lui, commence à siffler.
A l’exposition coloniale, dessin de Guilac.
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
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La Mare aux canards
Dans sa Mare aux canards du 29 avril 1931, Le Canard enchaîné déploie toute sa verve dans un numéro où la politique française, plus fébrile que jamais, ressemble à une farce parlementaire grandeur nature. L’hebdomadaire satirique, fidèle à son rôle de miroir déformant — mais d’une lucidité tranchante —, croque à la fois la scène nationale et le petit théâtre des ambitions individuelles.
Le ton est donné dès le titre central : « Après la bataille », une parodie en vers signée René Buzelin, qui pastiche Victor Hugo pour mieux commenter les déboires d’Édouard Herriot à Lyon. Le maire radical, battu lors des municipales, est peint comme un revenant électoral, suppliant qu’on lui “rende sa place”. Derrière le sourire poétique, c’est toute la crise du radicalisme qui transparaît : un parti usé, entre clientélisme local et perte d’aura républicaine. L’humour fait mouche — car le Canard sait que le “retour des revenants” n’est pas qu’une plaisanterie : il illustre la valse des politiciens de la IIIe République, jamais abattus, toujours ressuscités.
La Mare multiplie les saynètes où les travers du pouvoir se répondent. Sous des titres ciselés comme « La conduite de Toulouse », « L’entraînement » ou « Le coup des glaces », on retrouve André Tardieu, président du Conseil, transformé en marionnette hyperactive et mal aimée. Depuis le renversement de son premier cabinet en décembre 1930, Tardieu tente de rejouer sa chance en chef énergique, prônant une modernisation de l’État que la presse conservatrice salue, mais que les radicaux et la gauche brocardent. Le Canard, lui, le caricature en “homme pressé” sans conviction, oscillant entre autoritarisme et ridicule. L’épisode du discours avorté à Toulouse — où le public siffle, où la TSF cafouille, où la police s’agite — devient un ballet burlesque. L’article « C’était un train » résume le ton général : on ne sait plus si la politique avance ou si elle tourne en rond.
Autour de ces chroniques, le dessin ajoute sa touche corrosive. Dans « Le siffleur », un personnage à lunettes, perché sur une colline, observe le monde politique comme un spectacle d’oiseaux criards — métaphore parfaite du rôle du Canard. L’hebdomadaire, en 1931, reste la vigie du désenchantement démocratique. Derrière les plaisanteries, il y a une angoisse sourde : la France, ballotée entre la droite revancharde et une gauche divisée, perd confiance dans ses dirigeants. Le ton railleur masque mal la lassitude d’un pays fatigué par la “crise de l’esprit” et par l’impuissance du parlementarisme.
Mais, fidèle à sa nature, Le Canard refuse le désespoir. Il rit, et ce rire devient résistance. Le journal oppose au pathos des tribunes la joie du trait, la malice du jeu de mots, la parodie de la presse sérieuse. En avril 1931, quelques jours après la chute d’Alphonse XIII et la proclamation de la République espagnole, la satire politique française résonne d’autant plus fort : la IIIe République se croit éternelle, mais son théâtre, déjà, frôle la tragi-comédie.
Dans cette Mare aux canards, chaque brève est une éclaboussure de lucidité : on rit, mais on sent venir l’orage.





