N° 798 du Canard Enchaîné – 14 Octobre 1931
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Alors ? Encore …la der des ders ?
14 Octobre 1931 : Pierre Laval s’envole vers Washington, et le Canard transforme son voyage en opérette diplomatique. André Dahl décrit, avec un humour ravageur, un président du Conseil relooké par Hollywood et gardé par douze “gars d’Aubervilliers”. Pendant ce temps, Drégerin démonte la fable d’un budget “rigoureusement équilibré”, entre promesses de rigueur et dépenses militaires intactes. Sous le vernis protocolaire et comptable, la crise couve. À la une comme en pages intérieures, le Canard enchaîné de 1931 rit des ministres, mais ne rit pas du pays : la comédie politique cache mal la faillite économique.
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14 octobre 1931 : Laval à Washington, Maginot à la caisse
Quand la diplomatie tourne à la revue comique
Sous la plume d’André Dahl, l’arrivée prochaine de Pierre Laval à Washington prend, à la une du Canard enchaîné, des airs de vaudeville diplomatique. Tout y passe : la solennité américaine, les canons saluant « dix-huit coups pour l’homme et un pour dire de stopper à cause de la douane », les préparatifs absurdes, la langue anglaise absente du bagage ministériel… et jusqu’à Paul Claudel, ambassadeur de France, auteur d’un poème intitulé L’Annonce faite à Maïré que chanteront, promet-on, les enfants de la colonie française.
Le voyage officiel vire à la caricature, et Dahl s’en donne à cœur joie. Laval, dit-il, sera « remis aux mains d’un tailleur de la 3e avenue, d’un coiffeur, d’un metteur en scène d’Hollywood » qui lui apprendront comment avoir « une jolie tête présentable » et « un peu de jaune sur les joues ». Quant aux douze « gars d’Aubervilliers », venus en escorte, ils sont prêts à livrer bataille si M. Hoover « insistait pour avoir notre fric » : une satire irrésistible de l’impréparation française et de la servilité protocolaire.
Le Canard moque une diplomatie réduite à la mise en scène. Laval, futur chef de gouvernement sous Vichy, n’est encore que l’ambitieux président du Conseil, envoyé à la conférence du désarmement. Mais la plaisanterie de 1931 porte déjà un parfum d’amertume : on ne parle ni de l’armée, ni de la marine, ni du pétrole, ni du Japon, ni des droits de douane — bref, de rien d’essentiel. L’ironie du Canard souligne la vacuité d’une politique qui soigne la façade et laisse le fond en friche.
Dans la même édition, en page 3, Drégerin (fidèle chroniqueur économique du journal) s’en prend aux illusions budgétaires du gouvernement Tardieu. Sous le titre sentencieux « Le budget de l’année prochaine sera rigoureusement équilibré », il livre un morceau d’anthologie : la promesse d’un budget sain, alors que la crise mondiale de 1929 continue de frapper la France de plein fouet.
Les ministres Maginot, Dumont et Dumesnil jurent qu’ils serreront la vis avec « des mesures énergiques ». Le ton est à la dérision : on parle d’austérité, mais on maintient les dépenses militaires et on « discute ferme » pour savoir où rogner sans froisser personne. Drégerin les croque, littéralement, dans le dessin de Guilac : les généraux s’empoignent autour de leur ministre, biffant sous leur pression, les économies à réaliser pour 1932.
Sous la prétendue rigueur, le Canard débusque l’imposture. Tandis que Laval prépare ses poignées de main transatlantiques, Maginot et ses collègues s’acharnent à sauver les apparences d’un État économe. Mais la réalité, rappelle Drégerin, c’est « le budget du franc-lavabo », pour reprendre l’expression chère au journal : une monnaie rincée, une économie à bout de souffle, et des ministres qui « serrent la ceinture du peuple pour mieux garder leur gilet ministériel ».
Ces deux articles, placés en miroir, résument à merveille le Canard de 1931 : un pays englué dans la crise, une classe politique qui joue la comédie — à Washington comme à Paris — et un hebdomadaire qui transforme cette comédie en satire lucide. Entre la réception américaine de Laval et le budget “équilibré” de Maginot, la France fait rire… pour ne pas pleurer.





