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N° 837 du Canard Enchaîné – 13 Juillet 1932

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Inini ou le vrai Donogoo

13 juillet 1932 : dans Le Canard enchaîné, Pierre Bénard dévoile la farce coloniale de l’Inini — un territoire guyanais sans habitants, administré depuis Cayenne par des fonctionnaires payés pour gouverner le vide. Derrière la plaisanterie bureaucratique, un scandale : l’argent public dilapidé, des vies perdues, et un empire français qui n’existe plus que sur le papier.

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13 juillet 1932 : Pierre Bénard démonte la “colonie fantôme” de l’Inini, miroir des absurdités coloniales françaises

À la une du Canard enchaîné du 13 juillet 1932, Pierre Bénard signe un texte d’anthologie : « Inini ou le vrai Donogoo ». Sous ce titre qui évoque à la fois le roman de Mirbeau (Les affaires sont les affaires) et la fable absurde de Jules Romains (Donogoo), Bénard livre un pamphlet magistral contre l’administration coloniale et la gabegie bureaucratique de la Troisième République. L’affaire paraît exotique, elle est en réalité terriblement politique : dans un territoire imaginaire perdu en Guyane, l’État français a inventé une “colonie” sans habitants, administrée depuis Cayenne par des fonctionnaires payés pour gouverner le néant.

L’Inini, territoire créé par décret en 1930 pour administrer l’intérieur guyanais, est ici présenté comme une chimère administrative, « le vrai Donogoo », c’est-à-dire une fiction devenue réalité par la seule force des décrets. Bénard s’en amuse dès les premières lignes : « L’Inini a un gouverneur. C’est d’ailleurs le même que celui de la Guyane. […] Seulement, chaque fin de mois, le gouverneur passe deux fois à la caisse : une fois pour la Guyane, une fois pour l’Inini. » Le ton est donné : l’humour sert d’arme pour dénoncer le clientélisme, les primes coloniales et la bureaucratie parasitaire. Le trait n’est pas seulement satirique : c’est une mise à nu du système colonial français dans toute son absurdité comptable.

Sous la plume de Bénard, tout est dérisoire : le territoire, sans routes, sans maisons, sans habitants, possède néanmoins un “corps de fonctionnaires”, trois administrateurs logés à Cayenne, et une hiérarchie bien rémunérée. « Comme il n’existe pas d’agglomérations sur le territoire, ces administrateurs habitent Cayenne, de même que tous les autres fonctionnaires de la Guyane. » Mais pour éviter la confusion, on leur accorde des “suppléments de solde” : douze dixièmes pour l’Inini contre six pour la Guyane. L’argent remplace l’existence ; la solde, la souveraineté.

Bénard déroule ensuite une cascade d’invraisemblances, dignes d’un scénario de Kafka tropical. Le ministère des Colonies, notant que l’Inini n’a pas d’habitants, décide d’en faire venir de l’extérieur. Et comme l’auteur le souligne avec un humour acide : « Puisqu’il n’y avait pas d’habitants, il serait difficile de recruter de la main-d’œuvre sur place. Alors, il en a fait venir de l’extérieur. » On fait donc débarquer des travailleurs indochinois — “des Annamites” — pour peupler ce territoire vide. Mais « on s’est aperçu qu’on n’avait rien pour les loger ». Les fonctionnaires, impuissants, laissent les nouveaux arrivants « se débrouiller tout seuls ». La plupart meurent, les autres sont « charitablement accueillis à l’hôpital, dans la mesure des places disponibles ».

Sous l’humour cruel, c’est un drame colonial que Bénard expose : celui d’une France qui joue à fonder des territoires sur la carte pendant qu’elle laisse mourir ses travailleurs importés. On croit lire une farce administrative, mais l’ironie sert de voile à une critique d’une rare violence : celle d’un empire aveugle, bureaucratique, sans humanité.

L’article prend ensuite un tournant politique. Bénard remonte le fil de cette absurdité jusqu’à son origine : le décret du ministre des Colonies François Piétri, signé sur la suggestion de Gaston Joseph, directeur des affaires politiques, et de Eugène Lautier, député de la Guyane. On apprend que la création de l’Inini n’est pas une lubie géographique, mais une combine politico-financière. Un certain Albert Oustric, banquier sulfureux, déjà compromis dans l’un des grands scandales financiers des années 1930, y voyait l’occasion de se tailler un empire privé : obtenir des concessions minières, fonder une société, placer des actions. « L’argent rentrait dans les caisses. C’est ainsi que M. Albert Oustric a failli devenir roi de l’Inini et M. Eugène Lautier son premier ministre. »

Bénard reconstitue avec un humour implacable le petit théâtre des influences qui caractérise alors la Troisième République : un ministre, un directeur de cabinet, un député et un financier fabriquent une colonie pour y placer des fonds et des carrières. Il ne s’agit plus seulement de la Guyane : c’est la radiographie du népotisme colonial, du capitalisme d’État et du copinage parlementaire. L’Inini devient la métaphore parfaite du système : un territoire imaginaire gouverné par des intérêts bien réels.

La chute est d’une ironie désespérée. Bénard compare la situation des trois Guyanes : 296 000 habitants et prospérité côté anglais, 89 000 et aisance côté hollandais, 33 000 misérables côté français — “et on y crève de faim”. L’Inini, lui, “représente une valeur de 400 milliards or” selon une estimation américaine. Le contraste entre la fiction comptable et la misère réelle résume tout : la colonisation française, en 1932, est une illusion entretenue à coups de rapports et de primes, pendant que les populations locales meurent d’indifférence.

Avec « Inini ou le vrai Donogoo », Pierre Bénard signe un texte d’une actualité brûlante pour son époque. Derrière la cocasserie du récit, c’est une attaque frontale contre la colonialité administrative — cette manie française de créer des structures, des titres, des “territoires” pour masquer l’abandon. En pleine crise mondiale, alors que les scandales financiers éclaboussent la République et que la misère s’étend en métropole comme dans les colonies, l’Inini devient le symbole d’un empire à bout de souffle.