N° 1320 du Canard Enchaîné – 9 Janvier 1946
N° 1320 du Canard Enchaîné – 9 Janvier 1946
39,00 €
En stock
Dans son article « Messieurs les ministres et chers concitoyens…« , Pierre Bénard adopte le point de vue d’un « lampiste » (un travailleur modeste) pour critiquer de manière acerbe et ironique le gouvernement de l’époque. En donnant la parole à M. Dupont, le lampiste, Bénard met en lumière le fossé entre les élites politiques et les citoyens ordinaires.
Le discours fictif de M. Dupont commence par rappeler aux ministres qu’ils ont souvent utilisé les ondes de la radiodiffusion pour vanter leurs mérites et les bénéfices supposés de leur gouvernance. Cependant, il est vite clair que Dupont et ses concitoyens ne partagent pas cet optimisme. L’auteur souligne ici l’hypocrisie et la déconnexion des dirigeants par rapport à la réalité vécue par le peuple.
L’une des principales critiques de Dupont concerne la gestion incohérente de la carte de pain, symbole des difficultés quotidiennes des citoyens. La suppression puis le rétablissement de cette carte sont perçus comme des erreurs monumentales, aggravées par le ton condescendant et moralisateur des ministres, en particulier celui de M. Tanguy-Prigent, comparé de manière ironique à des figures divines comme Dieu et Jésus.
Bénard utilise également des références bibliques et religieuses pour souligner le manque de compassion des dirigeants. La mention de Job, qui remercie Dieu malgré ses malheurs, contraste avec la situation des Français, qui, selon Dupont, ne peuvent pas voir en leurs dirigeants des figures divines ou même inspirantes. L’auteur se moque aussi de la religiosité affectée des élites, en notant que même le petit Jésus avait une étable mieux garnie que les foyers français de l’époque.
Dupont reconnaît la difficulté de la tâche des ministres, mais il leur rappelle qu’ils ont volontairement choisi cette responsabilité. S’ils échouent, ils devraient envisager de changer de métier plutôt que de réprimander le peuple pour des problèmes dont ils sont partiellement responsables. Cette critique directe renforce l’idée que les ministres manquent de compétence et d’efficacité.
Le discours se termine sur une note de résignation teintée d’ironie mordante. Dupont souligne que les citoyens sont « de bonnes pâtes », prêts à supporter beaucoup, mais il met en garde les ministres contre l’abus de leur patience. La dernière phrase, qui joue sur le double sens du mot « pâtes », rappelle que la tolérance des citoyens a des limites et que les dirigeants doivent faire preuve de plus de respect et de sollicitude envers ceux qu’ils gouvernent.
En somme, Pierre Bénard utilise l’allocution fictive de M. Dupont pour critiquer sévèrement l’incapacité des dirigeants à comprendre et à résoudre les problèmes quotidiens des citoyens ordinaires, tout en soulignant leur tendance à se déresponsabiliser et à se montrer condescendants. Par cette satire mordante, il exprime la frustration et le désespoir des Français de l’époque face à une classe politique perçue comme déconnectée et inefficace.
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
En stock