Cet article de Roger Salardenne, « Les candidats au titre du roi des camelots 52 et leur baratin », est une galerie satirique, illustrée par Pol Ferjac, où chacun des portraits se distingue par des jeux de mots inventifs et une exagération qui en disent long sur les perceptions des personnalités caricaturées.

1. Truman dit « Harry la Bombe »
Le surnom réduit le président américain à sa politique nucléaire, associant son nom à la bombe atomique. L’expression « superbe ‘H’ qui fera sauter de joie tous les peuples de la terre » ironise sur les prétendues « avancées » technologiques destructrices, soulignant l’ambiguïté morale des expérimentations nucléaires.

2. Mossadegh dit « Momo le Chialeur »
L’allusion au Premier ministre iranien Mossadegh le montre en figure pathétique : « Plus économe de son pétrole que de ses larmes ». Ici, on le représente comme un marchand d’émotions dans un contexte de lutte pour le contrôle des ressources, pointant du doigt les tensions géopolitiques autour du pétrole.

3. Sartre dit « Jean-Paul le Pape de Saint-Germain-des-Prés »
Un portrait caustique de Sartre en camelot d’idées : « Un jouet qui satisfait à la fois les hérétiques et les bons chrétiens, plus amusant qu’un yo-yo, un bilboquet ou un livre de Simone de Beauvoir ». Cette caricature décrit son travail comme des « produits » intellectuels destinés à un public aussi mondain qu’intellectuel, illustrant à la fois l’admiration et la dérision.

4. Churchill dit « Winston la Fumée »
L’ironie culmine avec « exécuter mille et un tours avec des volutes », qui associe le cigare de Churchill à une politique de mise en scène et de mystification.

5. Pleven dit « Pléplé la Ceinture »
Le ministre français est moqué pour sa gestion économique : « Le franc-biniou-lonlon-lière », une parodie des slogans publicitaires. Il est présenté comme un bonimenteur aux discours rassurants mais sans solutions concrètes.

6. Staline dit « Jo la Moustache »
L’humour noir domine : « La bombe atomique, garantie par Stockholm, absolument inoffensive ». Staline est caricaturé en vendeur cynique, tournant en dérision la propagande soviétique et son message « pacifique » dans le contexte tendu de la guerre froide.

7. Schuman dit « Chouchou la Volaille »
Robert Schuman est réduit à un simple « engraisseur de poules », une moquerie des ambitions européennes et de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), naissante à l’époque. Son image d’homme sérieux est ici ridiculisée à travers une vision rustique.

8. Pie XII dit « Saint-Père la Souris »
Le Pape est présenté comme un camelot religieux, vantant « la souris miraculeuse de Fatima ». Cette description moque l’utilisation de la foi comme outil de pouvoir et de communication, avec une subtile critique de l’institution religieuse.

9. Cocteau dit « Jeannot la Bouteille »
Jean Cocteau est ironiquement associé à Bacchus, avec « un élixir qui guérit tout, sauf la pépie et le snobisme ». Une pique contre son image de dandy, suggérant que son art peut être superficiel et mondain.

10. Farouk dit « Fafa la Roulette »
Le roi d’Égypte est réduit à un joueur extravagant : « Un dé à double face qui fait gagner deux fois plus de dettes que de millions ». Une critique de son règne marqué par la décadence et les excès.

11. Mayer dit « René le Cravateur »
Enfin, René Mayer est moqué pour son rôle politique, notamment en matière fiscale : « Présentez la tirelire 52, rigoureusement scellée ». Une pique contre les politiques fiscales françaises, illustrant un pouvoir éloigné des réalités populaires.

Cette galerie de portraits est un exemple éclatant de satire politique et sociale. Chaque personnage est réduit à un archétype burlesque, oscillant entre moquerie bon enfant et critique acerbe. Les jeux de mots, les surnoms imaginatifs et les exagérations font ressortir des travers réels ou supposés, transformant ces figures publiques en camelots grotesques. L’article rappelle la force du Canard Enchaîné à capturer l’air du temps avec une plume incisive et jubilatoire.