N° 1639 du Canard Enchaîné – 19 Mars 1952
N° 1639 du Canard Enchaîné – 19 Mars 1952
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Dans « Le mal du demi-siècle », publié par Yvan Audouard dans Le Canard enchaîné du 19 mars 1952, l’auteur explore avec finesse et ironie l’évolution du désespoir et du romantisme dans le contexte de l’époque contemporaine, s’appuyant notamment sur les réflexions de François Mauriac.
Audouard commence par évoquer l’idée de Mauriac selon laquelle la vie moderne aurait surpassé les romans noirs en termes d’intensité dramatique. Ce constat lui permet d’introduire une critique des tendances romantiques de l’époque, qu’il juge transformées, appauvries, et parfois dévoyées. Les suicides romantiques d’antan, portés par une poésie sombre et lyrique, ont laissé place à des gestes abrupts et dénués d’élégance littéraire, réduits à une banalité tragique.
L’auteur pointe également le manque de profondeur des figures néo-romantiques modernes, qu’il classe en deux grandes catégories :
1. Les romantiques de série, décrits comme accablés par des angoisses individuelles mais incapables d’un véritable dépassement de soi. Ils incarnent une sorte de désillusion pragmatique, où les aspirations grandioses du passé sont remplacées par des préoccupations triviales et un quotidien anesthésiant.
2. Les romantiques arrivés, qui, sous des dehors de réussite bourgeoise, dissimulent un pessimisme latent. Ces personnages se distinguent par une nostalgie pour une époque révolue et une fascination pour des valeurs périmées. Ils préservent toutefois un goût pour l’esthétique et la reconnaissance symbolique, qu’Audouard associe à une certaine forme de « tradition romantique ».
Le ton caustique et humoristique de l’article transparaît dans ses observations sur les suicidaires contemporains et les hors-la-loi modernes, auxquels il dénie toute ambition véritable ou dimension épique. Il critique également les tentatives de confession de ces derniers, souvent réduites à un exercice stérile pour financer des frais d’avocats, loin des grandes confessions métaphysiques des siècles passés.
En filigrane, Audouard dresse un tableau de la société de l’après-guerre, marquée par une désorientation collective et une perte d’idéaux transcendants. Il termine sur une note ambivalente, reconnaissant dans ce « mal du demi-siècle » une continuité historique du romantisme, tout en soulignant sa transformation en une force ambiguë, à la fois révolue et persistante.
Cet article, riche en analyses culturelles et en traits d’esprit, offre une réflexion pertinente et amusée sur les maux existentiels d’une époque tiraillée entre modernité et héritages littéraires.
Le minet de Montmartre, dessin de Péa.
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