N° 2801 du Canard Enchaîné – 3 Juillet 1974
N° 2801 du Canard Enchaîné – 3 Juillet 1974
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Les grandes combines du pinard, de quoi vous faire dégouleyer
Quand le vin tourne au vinaigre des affaires
Après des années de prix envolés, le marché du vin s’effondre brutalement en 1973 : surproduction record, Bordeaux et Beaujolais noyés sous des rendements extravagants, et surtout le scandale des vins trafiqués qui éclabousse toute la profession. Michel Gaillard dévoile les « grandes combines » : sucrages massifs, coupages chimiques, vins italiens importés en douce pour maquiller des moûts faméliques. Entre réseaux clandestins de sucre et fraudes à grande échelle, l’A.O.C. vacille. Ici, la seule chose qui coule vraiment à flots n’est plus la qualité, mais la combine. Un marché de dupes où l’étiquette ne dit plus rien du contenu de la bouteille.
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Les grandes combines du pinard, de quoi vous faire dégouleyer, par Michel Gaillard
Le monde du vin est en pleine ébullition. Après avoir grimpé à des hauteurs vertigineuses pendant quatre ans, les prix des vins d'appellation d'origine contrôlée (A.O.C.) ont chuté de façon spectaculaire en quelques mois. La raison de cette crise ? Une surproduction massive (13 millions d'hectolitres d'A.O.C. en 1973) et probablement aussi le scandale des vins trafiqués de Bordeaux, qui a jeté l'opprobre sur l'ensemble des grands vins français. La situation est si grave que l'Institut National des Appellations d'Origine (I.N.A.O.) a soumis au ministre de l'Agriculture diverses mesures pour tenter de mettre un frein à la course au rendement. Cette course effrénée est en effet à l'origine de fraudes, de trafics et de manipulations en tout genre... La montée en flèche des prix des bordeaux, des bourgognes et des beaujolais a incité les viticulteurs de ces régions à produire autant de vin que possible. Ils ont usé de techniques culturales (taille excessive, irrigation, fumure, etc.) leur permettant de doubler, voire de tripler, le rendement de leurs vignes. En 1973, des rendements records ont été enregistrés : plus de 100 hectolitres à l'hectare dans le Bordelais, 250 hectolitres à l'hectare dans le Beaujolais (alors que les rendements autorisés varient entre 35 et 50 hectolitres). En exigeant des rendements excessifs des vignes, on a obtenu des moûts pauvres en sucre et en autres composants. Résultat : il a fallu "rééquilibrer" les moûts en ayant recours à la chimie, aux coupages et au sucrage pour arranger le vin, comme disent les négociants. L'analyse chimique ne révèle pas les vins coupés, ce qui laisse la porte ouverte aux manipulations les plus sournoises... Certains viticulteurs vont même jusqu'à mélanger leur vin avec du vin italien. Des esprits naïfs pourraient se demander pourquoi la région bordelaise a reçu, en 1972, 250 000 hectolitres de vin italien... Le trafic de vin est florissant, avec des réseaux clandestins qui fournissent le sucre aux viticulteurs. Officiellement, 25 000 tonnes de sucre de betterave vont chaque année dans le vin. Officieusement, c'est 250 000 tonnes qui se retrouvent dans le pinard... En bref, le monde du vin est devenu un véritable marché de dupes, où la qualité est sacrifiée sur l'autel du profit. Il semblerait que la seule chose qui coule à flots dans ce milieu, ce soit le vin...