N° 2969 du Canard Enchaîné – 21 Septembre 1977
N° 2969 du Canard Enchaîné – 21 Septembre 1977
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Le voyage de Barre en Amérique : Un bide chief
Raymond Barre revient de Washington auréolé… d’invisibilité. Dans La Mare aux Canards du 21 septembre 1977, le Canard démonte la tournée américaine du “grand économiste” : presse US indifférente, autosatisfaction parisienne, et diplomatie au ventre, façon “bide chief”. Entre un “Concorde vocal” qui retarde même les résultats du foot et un Escaro montrant Barre atterrissant “sur le ventre”, la chronique vise juste : derrière le voyage, c’est la peur de 1978 et le besoin de prestige qui transpirent.
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Barre à Washington : le triomphe de l’inaperçu
La vedette mondiale… vue de très loin
Dans La Mare aux Canards du 21 septembre 1977, Raymond Barre revient de Washington comme on rentre d’une tournée américaine… sauf que la salle est restée allumée mais vide. Devant ses proches, il fanfaronne (plus gonflé que son propre “brevet de grand économiste”, raille le Canard) et s’étonne, avec une gravité de professeur de morale en fin de repas, de “l’ignorance américaine des problèmes européens”. Traduction en canard : les Américains n’ont pas fait semblant de s’intéresser à lui, ce qui est le pire des affronts dans la diplomatie du selfie avant l’heure.
Le journal s’amuse surtout d’un détail délicieux : la presse française vend déjà le voyage comme celui d’une star planétaire, pendant que le New York Times ne daigne même pas sortir un mouchoir et que le Washington Post planque l’affaire en page intérieure. L’écart entre le communiqué triomphal et la réalité est ici une discipline olympique : la gymnastique du prestige.
Un “bide chief” et un Concorde ventral
Le titre claque comme une porte de cockpit : “Un bide chief”. Tout est dit. Barre est “chief”, d’accord, mais la vedette du jour, c’est le ventre, ce symbole canardesque de la visite officielle quand elle n’accouche de rien. Escaro enfonce le clou avec un Barre en uniforme de bibendum atterrissant “sur le ventre”, pancarte “Washington/New York” en décor, et un bagage “Concorde” comme certificat de noblesse. L’image résume l’article : beaucoup de carburant, beaucoup d’ego, peu d’altitude politique.
Et puis il y a le petit bijou latéral, “Concorde vocal” (idée signée Jean Lefèvre) : Barre qui, de retour à bord, se fait interviewer, râle, se croit en vol au-dessus des événements… et finit surtout par retarder les résultats du foot pour les “chers-zauditeurs” coincés à écouter ses pensées gargouillantes. Le Canard adore quand le pouvoir monopolise l’antenne pour annoncer qu’il existe.
Derrière la tournée, la trouille de 1978
Sous la blague, on entend la musique de fond de 1977 : inflation, chômage qui s’installe, rigueur “moderne”, et surtout l’ombre portée de mars 1978, ces législatives où la majorité giscardienne joue sa peau. Le papier insinue que Giscard aurait aimé une bénédiction américaine, un petit clin d’œil de Carter, quelque chose qui fasse sérieux et international, comme un tampon “bonne gestion” collé sur le front.
La Mare raconte même les contorsions : Barre, qui rêve d’être l’homme des grands circuits, s’inquiète de savoir si l’administration Carter garde le contact avec l’état-major de Mitterrand. Réponse diplomatique : on a “des contacts avec tout le monde”, y compris Chirac. Charmant aveu : à Washington, on prend des notes sur l’opposition française pendant que Paris se raconte que l’Amérique va lui décerner la médaille du mérite économique. Le Canard, lui, voit plutôt un pouvoir qui cherche à se rassurer à l’étranger quand le sol se dérobe à domicile.
L’art d’être important… surtout pour soi
Ce qui pique, dans ce Canard-là, c’est la dénonciation d’un rituel : le voyage officiel comme théâtre de la grandeur, où l’on part convaincre le monde et l’on revient surtout convaincu de soi. Barre sermonne les Américains, mais l’article retourne la lunette : l’ignorance n’est pas forcément de leur côté. Ils ont peut-être simplement compris que l’Europe n’envoie pas une comète à chaque fois qu’un Premier ministre traverse l’Atlantique.
Vazquez de Sola glisse d’ailleurs une Statue de la Liberté lançant “La faillite, te voilà !”, comme si le décor américain servait surtout de miroir cruel : on vient chercher du prestige, on revient avec la perspective d’une addition.
Au fond, la “vedette mondiale de l’économie” n’est pas humiliée par un camouflet diplomatique. Elle l’est par pire : l’indifférence. Et ça, en politique, c’est le vrai trou d’air.





