N° 266 du Canard Enchaîné – 3 Août 1921
N° 266 du Canard Enchaîné – 3 Août 1921
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ON EN A FINI AVEC LA BANDE DES X… Dramatique libération de dangereux malfaiteurs
Avec son titre digne d’un feuilleton policier, Le Canard enchaîné du 3 août 1921 relate la « dramatique libération » de la mystérieuse « bande des X ». Mais derrière l’imagerie des malfaiteurs, des « pistolets fantautomatiques » et des « pièces à conviction », le journal vise plus haut : Vilgrain, Salmon, Mabilleau, personnalités liées au ravitaillement et aux profiteurs de guerre, se retrouvent croqués comme membres d’une bande sinistre. L’affaire devient un miroir satirique de la corruption politico-financière de l’après-guerre.
Chaleurs, dessin de Varé –
Édition faussement numérotée 265.
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
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En une du 3 août 1921, Le Canard enchaîné déploie tout son art du pastiche pour raconter la prétendue « fin de la bande des X », « dramatiquement libérée » au terme d’une lutte acharnée. À la lecture, il ne s’agit pas d’un fait divers ordinaire, mais bien d’une charge politique visant des figures compromises dans les affaires de ravitaillement de la guerre et de l’immédiat après-guerre.
L’article se moque d’abord du langage sensationnaliste des journaux populaires : on y croise un « pistolet fantautomatique », des « pièces à conviction » dessinées (chèque, médaille, sac de ravitaillement), une foule « émue » devant la prison de la Santé. Ces clichés de la presse à sensation, répétés à satiété depuis l’affaire Bonnot, servent de toile de fond pour une autre cible : les « grands malfaiteurs » en col blanc.
Car les noms cités ne laissent aucun doute. On retrouve Jean Vilgrain, industriel de la meunerie et ancien secrétaire d’État au Ravitaillement ; André Salmon, compromis dans plusieurs scandales liés à la distribution des denrées ; et Charles Mabilleau, directeur de la Mutualité, présent dans de nombreuses cérémonies officielles. Tous trois apparaissent dans ce récit burlesque comme autant de « bandits » modernes, confondus avec une bande de voleurs de droit commun. Le Canard souligne l’absurdité d’un système où la justice traque avec zèle les petits voyous, mais ménage ceux qui ont détourné des millions aux dépens du pays pendant la guerre.
Le texte déploie aussi une ironie politique. Les malfaiteurs sont décrits comme « singulièrement plus dangereux et mieux organisés » que les apaches de jadis. Les « pièces à conviction » n’ont rien à voir avec des armes de brigands, mais renvoient à des documents financiers, à des contrats et à des postes ministériels. Là encore, la satire repose sur l’inversion : les vrais criminels ne se cachent pas dans les bas-fonds, mais dans les salons ministériels.
Historiquement, l’article s’inscrit dans la continuité des dénonciations des « profiteurs de guerre » qui agitent l’opinion depuis 1919. Les scandales du ravitaillement – marchés truqués, malversations, fraudes à grande échelle – nourrissent un climat de suspicion envers les élites économiques et politiques. Tandis que les anciens poilus affrontent chômage et vie chère, certains responsables s’enrichissent dans l’ombre. En associant Vilgrain, Salmon et Mabilleau à une « bande de malfaiteurs », le Canard donne à cette indignation une forme comique et percutante.
La quatrième colonne de l’article renforce cette lecture. On y décrit la « lutte énergique » des agents de la Sûreté comme une farce, et l’on conclut sur le contraste entre les bandits de droit commun et ces « honorables » personnalités que l’on retrouve aux inaugurations officielles. La satire prend alors tout son sens : sous couvert d’un récit policier, c’est un procès de l’hypocrisie républicaine qui se joue.
Ainsi, cette une du 3 août 1921 illustre parfaitement la méthode du Canard enchaîné. En pastichant les récits de brigandage, il dénonce les scandales politico-financiers avec un humour grinçant. La « bande des X » n’est pas qu’un groupe imaginaire : c’est le symbole de ceux qui, dans les hautes sphères, pillent la République en toute impunité.

 
      



