N° 546 du Canard Enchaîné – 15 Décembre 1926
N° 546 du Canard Enchaîné – 15 Décembre 1926
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Contre la menace Mussolinienne – La mise en défense de Nice et de toute la région
Le 15 décembre 1926, Le Canard enchaîné se moque de la « menace mussolinienne » dans un article désopilant signé Maurice Morice et illustré par Guilac. Sous le titre La mise en défense de Nice et de toute la région, le journal décrit la Promenade des Anglais transformée en champ retranché, les casinos blindés et les hôtels fortifiés contre une invasion italienne imaginaire. Derrière l’humour, c’est tout un climat d’angoisse franco-italienne que le Canard désamorce : face au bellicisme du Duce, la satire devient arme de résistance, renvoyant Mussolini à ce qu’il est — un petit chef de guerre d’opérette.
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En cette fin d’année 1926, l’Europe est traversée de tensions. En Italie, Benito Mussolini a consolidé sa dictature : les lois fascistissimes ont supprimé la presse libre, les partis et les libertés publiques. À Paris, la méfiance est à son comble : la France surveille jalousement sa frontière alpine, craignant les ambitions expansionnistes du Duce, qui revendique déjà la Tunisie et lorgne vers la Savoie. C’est dans ce climat de fébrilité que Le Canard enchaîné publie, le 15 décembre 1926, une perle de dérision signée Maurice Morice, intitulée La mise en défense de Nice et de toute la région, illustrée d’un dessin de Guilac.
Sous couvert d’un reportage militaire, Morice transforme la Côte d’Azur en forteresse burlesque. Les “mesures prises par le gouvernement” sont décrites avec un sérieux parodique : Nice est désormais “en état de défense permanente”, protégée par des “troupes noires du général Mangin” et des “chars d’assaut constitués par les chars du Carnaval”. La Promenade des Anglais devient un champ de bataille bordé de palmiers blindés, de casinos transformés en abris fortifiés et de bals costumés où les masques seront “remplacés par des masques à gaz modèle 1926”.
Tout, dans cet article, repose sur la mécanique de l’exagération. Le lecteur de 1926 sait bien que Nice ne risque pas une invasion italienne : la satire s’adresse d’abord à la presse alarmiste et aux discours officiels qui cultivent la peur du voisin. Morice pousse la logique défensive jusqu’au ridicule — “on a mis de l’eau dans le Paillon et il n’est resté qu’à couper les ponts” — pour dénoncer la tendance de la France à se barricader dans ses certitudes patriotiques.
Mais au-delà du gag, Le Canard capte l’air du temps avec une lucidité rare. En Italie, Mussolini enflamme ses foules avec le mythe d’un nouvel empire romain ; en France, la droite nationaliste brandit la menace fasciste pour justifier le maintien d’un ordre autoritaire. Morice répond par le rire : il oppose au militarisme des deux rives la joyeuse absurdité d’une Côte d’Azur où l’on craint tout… sauf de manquer la saison touristique. “On pourra passer l’hiver à Nice en toute sécurité”, écrit-il avec un clin d’œil : le vrai combat, c’est celui de la Riviera contre la baisse des locations.
Le dessin de Guilac, qui accompagne l’article, renforce cette ironie. Sous le titre La Promenade des Anglais, on voit un tank stationné devant le Negresco et des officiers devisant tranquillement au soleil, tandis qu’une pancarte proclame : “Réserve pour les blindés”. L’art de Guilac est celui du décalage visuel : il montre la guerre comme un décor mondain, une parade pour militaires en villégiature.
En décembre 1926, cette “mise en défense de Nice” n’a rien d’anodin : c’est une leçon d’esprit face à la propagande. Là où les journaux à sensation agitaient le spectre de l’invasion, Le Canard enchaîné tourne tout en dérision, renvoyant Mussolini à sa vraie dimension — celle d’un petit Napoléon de carton-pâte, dont la fureur conquérante s’éteint, comme l’écrit Morice avec un clin d’œil final, “au tambour d’un dollar qui s’éteint”.
Sous ses palmiers fortifiés, la satire française dressait déjà sa première ligne de défense : le rire contre la peur.





