N° 607 du Canard Enchaîné – 15 Février 1928
N° 607 du Canard Enchaîné – 15 Février 1928
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15 février 1928 : Painlevé quitte Cannes pour Nantua !
Le Canard jubile : il l’avait prévu ! L’ex-président du Conseil, ministre itinérant et champion des électorales tournantes, quitte la Riviera pour se refaire une santé politique dans l’Ain. Banquets, bagages et “circulation giratoire” : la campagne de Painlevé devient un carnaval républicain.
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🪶 Commentaire – “M. Painlevé abandonne Cannes : cette semaine, il est candidat à Nantua…” (Le Canard enchaîné, 15 février 1928)
Sous le titre triomphal « Le Canard avait raison », le journal se félicite en une de l’édition du 15 février 1928 d’avoir prévu le nouveau rebondissement dans la carrière politique de Paul Painlevé, ancien président du Conseil, ministre de la Guerre et figure déjà plusieurs fois ressuscitée de la IIIᵉ République. L’article, anonyme mais typique du style collectif du Canard, mêle chronique politique, satire de mœurs électorales et comédie burlesque : le ministre “abandonne Cannes” pour se déclarer candidat à Nantua-Gex, dans l’Ain, au terme d’un vaudeville géographique et électoral.
Painlevé est alors l’un des hommes politiques les plus célèbres — et les plus moqués — de son temps. Mathématicien de formation, héros intellectuel de la Grande Guerre, il a connu toutes les fonctions ministérielles possibles : guerre, instruction publique, présidence du Conseil. Mais sa popularité est érodée : l’homme, oscillant entre pacifisme scientifique et opportunisme parlementaire, incarne aux yeux du Canard cette “République des fauteuils roulants” où les ministres changent de siège à défaut de politique.
L’article du 15 février se présente comme un reportage moqueur du “départ” de Painlevé, mis en scène comme une véritable transhumance électorale. Cannes, station balnéaire des ministres fatigués, devient ici le théâtre d’une “fête de départ” digne d’un carnaval. Le dessin de Guilac montre une cohorte de gens portant le masque de Painlevé, ballotés entre valises et pancartes “Cannes”, “Cherbourg”, “Nantua”, symbolisant la mobilité opportuniste des candidats de la IIIᵉ République. Le Canard résume d’un trait : “Les fêtes de Cannes ont commencé par le départ de Carnaval.”
Cette ironie se comprend dans un contexte où les élections législatives de 1928 approchent, marquées par le retour au scrutin d’arrondissement, plus favorable aux notables locaux. Painlevé, battu à Paris, cherche une terre d’accueil : il l’aura dans l’Ain. Le journal transforme ce déplacement en épopée ridicule : Painlevé consulté par des généraux imaginaires, accueilli par des maires affables, trinquant avec des électeurs fictifs autour d’histoires de “crevettes” et de “casseroles”. Chaque étape de la satire renvoie à la vacuité du rituel politique : banquets, discours, inaugurations… autant de rites sans idées.
L’humour du Canard repose sur un double mouvement : d’un côté la dérision du personnage — un ministre errant qui “s’arrête où il veut plaire” —, de l’autre la parodie du style journalistique officiel. Les dépêches inventées (“Gez, 14 février”) et les descriptions pseudo-administratives tournent en dérision le ton compassé de la grande presse politique. En feignant de suivre l’agenda ministériel avec le sérieux d’un reporter du Temps, le Canard dévoile l’absurdité de la vie parlementaire : les “départs” et “arrivées” de Painlevé deviennent un ballet comique où le pouvoir politique tourne en rond comme une voiture de la “circulation giratoire”.
Mais sous la farce, un constat lucide : la IIIᵉ République de 1928 est fatiguée, son personnel politique essoufflé, et sa géographie électorale n’est qu’un jeu de chaises musicales. La phrase “Le Canard avait raison” sonne ici comme une revanche : le journal, né pour dénoncer les pantins de la politique, voit dans Painlevé un symbole parfait du régime qu’il surveille depuis douze ans.





