N° 753 du Canard Enchaîné – 3 Décembre 1930
N° 753 du Canard Enchaîné – 3 Décembre 1930
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3 décembre 1930 — « Jetons du lest ! »
Le Canard fait décoller Tardieu… à coups de ballons percés
Scandale Oustric, démissions en rafale, ministres sur le départ : Tardieu tente de sauver sa montgolfière gouvernementale. Guilac, Snell, Rivet et Drégerin s’en donnent à cœur joie : vers, sarcasmes et dessins transforment la crise en opéra-bouffe. Une édition où la satire vole haut — et la République reste clouée au sol.
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Il a plu de la boue l'autre jour ... Nous sommes jusqu'aux boues-tistes
Le 3 décembre 1930, Le Canard enchaîné déploie une une exemplaire de son art satirique : au lendemain des démissions en chaîne provoquées par le scandale Oustric, le journal tourne en dérision le grand ménage annoncé par André Tardieu. Tandis que le chef du gouvernement tente de sauver son autorité en réduisant la taille de son ministère, Le Canard répond avec un éclat de rire collectif, mêlant vers, caricature et chronique corrosive.
Le dessin de Guilac, au centre de la page, condense à lui seul la situation : une montgolfière tricolore surchargée, baptisée « Optimisme & Prospérité », s’élève avec peine tandis que Tardieu et ses ministres jettent par-dessus bord un équipage encombrant — Péret, Falcou, Lauzier et autres « lest » ministériel. L’image, limpide, évoque une République en apesanteur, où la légèreté des discours masque le poids des scandales. Sous le panier frappé des lettres « R.F. », le pilote Tardieu, pince-sans-rire, expulse un à un les coupables désignés, espérant retrouver l’altitude perdue.
En vis-à-vis, le texte signé Victor Snell, « La pluie de boue », prend le relais du dessin dans un registre plus acide. Tout Paris parle du “grand nettoyage ministériel”, mais Snell en souligne le caractère illusoire : la boue n’est pas tombée sur la République, elle en jaillit. “On l’avait bien dit, écrit-il, la finance n’est jamais loin.” Le journaliste raille ces démissions “en chaîne”, où les ministres se retirent l’un après l’autre sans que rien ne change : “On passe d’un ministère de trente-trois à un ministère de trente-deux.” Sous son humour de façade, le texte pointe une réalité politique : après Péret, plusieurs membres du gouvernement sont éclaboussés, et le président du Conseil lui-même vacille.
La Ballade ministérielle de Jules Rivet, présentée comme un texte “trouvé sur une serviette à la sortie du Conseil des ministres”, parachève la farce. En vers légers, Rivet met en scène la galère de “Tardieu-le-preux”, où chaque rameur finit à l’eau. “Falcou mit les voiles, / Péret tenait la rampe, / Lauzier prit le large à son tour” : la chanson politique tourne à la comptine de naufragés. Mais derrière les rimes, le Canard montre l’épuisement d’un régime : la Troisième République tangue sous les crises financières, et ses dirigeants s’en sortent par des remaniements cosmétiques.
Enfin, Drégerin clôt la une par un texte faussement sérieux, “Et plus que jamais, vive Tardieu !”, où l’ironie fuse sous chaque ligne. Le gouvernement “diminue en nombre mais grandit en autorité”, écrit-il — avant de rappeler que le pays est surtout dirigé par des “survivants” des scandales précédents. La “Tardieu-mania” de la presse officielle devient, dans les colonnes du Canard, un gag de répétition. En ridiculisant la langue du pouvoir, Drégerin montre que l’optimisme d’État n’est qu’un écran de fumée.
En décembre 1930, la France est plongée dans une crise politique majeure. Le krach Oustric a révélé la porosité entre milieux d’affaires et sphères gouvernementales, le chômage s’installe, et la confiance s’effrite. Tardieu tente de sauver son autorité en affichant l’ordre et la rigueur. Le Canard, lui, montre ce qu’il en reste : une République embourbée, un exécutif brinquebalant, et des journalistes qui, à coups de vers et de caricatures, pratiquent la chirurgie du rire. Derrière l’humour, une mise à nu implacable du pouvoir : quand la République jette du lest, c’est toujours le peuple qui reste au sol.





