N° 1249 du Canard Enchaîné – 5 Juin 1940
N° 1249 du Canard Enchaîné – 5 Juin 1940
79,00 €
En stock
Dernier numéro publié et début de l’hibernation pour le Canard, jusqu’à la Libération.
Le rationnement, la pénurie de papier, la censure et l’occupation rendent impossible la poursuite de l’activité.
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
En stock
Le 5 juin 1940 paraissait le no 1249 du « journal satirique paraissant le mercredi ». Il faudra attendre — quatre ans, trois mois et un jour plus tard — le 6 septembre 1944 pour que sorte des presses le no 1250. Jamais « Le Canard » n'aura été aussi en retard au rendez-vous avec ses lecteurs.
Le 5 juin 1940, c'est le commencement de la débâcle. Les Allemands déferlent sur Paris. Ils y entreront le 14. Dans ce dernier numéro d’« avant », « Le Canard », conformément à sa tradition et à sa fonction, tâche de conserver sa bonne humeur. Mais le cœur n'y est pas, d'autant coupé de la plupart de ses rédacteurs qui sont aux armées. « Les événements actuels prêtent peu à la rigolade », observe-t-il sobrement. "Le Canard sous la plume de Pierre Bénard, son rédacteur en chef, brocarde les profiteurs de guerre qui « ont déjà trouvé le moyen de réquisitionner les morts", la publicité qui a pris « une option sur les croix de bois », les journalistes — sic qui prouvent que "l'état-major allemand n'y connaît rien". Avec un humour amer, alors que tant de gens meurent sous les balles, les bombes et les obus, « Le Canard » note dans sa dernière manchette : " Et on parle... de la vie chère ".
Le numéro 1249, en application de la réglementation sur les restrictions de papier, ne paraît que sur deux pages. « Le Canard » s'en excuse auprès de ses lecteurs et, optimiste incorrigible, ajoute : « Mais déjà nous prenons nos dispositions pour leur offrir, à bref délai, dans la limite des possibilités, une meilleure présentation... » Le bref délai allait se prolonger longtemps.
« Le Canard » signale enfin que, dans sa première page, "48 lignes ont été censurées". Jusqu'au bout, Anastasie — rebaptisée par « Le Canard » Lodoïska en 1939 — aura fait son office. Si la France a perdu la guerre, ce ne sera vraiment pas sa faute.
Replié dans le centre de la France, comme tous les journaux, « Le Canard » apprend la signature de l'armistice le 24 juin et la fin de la République. Il ne reparaîtra pas. Il n'a plus sa place dans la presse de l'Occupation, ni à Paris sous la botte allemande ni à Vichy sous la censure vichyssoise, d'autant plus que Laval, un des nouveaux maîtres du jour, le poursuit de sa vindicte personnelle : il n'a jamais pardonné une chanson pourtant délicieuse de Pierre Bénard sur le mariage de sa fille, " José la belle " avec le comte de Chambrun... - publiée à la Une du Canard du 14 Août 1935 -
Pendant plus de quatre ans « Le Canard » disparaît des kiosques. Mais un jour, en 1942, des avions de la Royal Air Force parachutent au-dessus de la France, à des centaines de milliers d'exemplaires, une édition merveilleusement pirate du « Canard » fabriquée à Londres par l'équipe de la BBC « Les Français parlent aux Français »
Quand, après quinze cent cinquante-deux jours d'absence forcée, « le Canard » renait au grand jour le 6 septembre 1944, sa joie est teintée de tristesse, car Maurice Maréchal, son fondateur, est mort en 1943. Dans ses "Propos pour nos lecteurs", Pierre Bénard salue sa mémoire en même temps qu'il représente l'équipe du journal.
La manchette "Courir pour Dantzig" mérite une explication. En 1916, la même semaine que "Le Canard" s'était créé un quotidien de gauche, "L'Œuvre" promis à une brillante carrière. Mais, peu avant 1939, "L'Œuvre" revendue, tomba sous la coupe d'un ancien député et ministre socialiste devenu hitlérophile, Marcel Déat, qui signa un éditorial retentissant dans lequel il disait refuser de « mourir pour Dantzig » et d'envisager une guerre pour prêter assistance à la Pologne. Cinq ans plus tard, Kollaborateur forcené, ministre de Vichy, il allait être un des premiers à se carapater à Sigmaringen. D'où la manchette du « Canard ».
Le numéro 1250 ne devait pas tenir les promesses contenues dans le numéro 1249 d'assurer aux lecteurs "une meilleure présentation du Canard". Bien au contraire, c'est seulement sur une page demi-format que le journal put sortir. Et il en coûta aux lecteurs 3 francs, contre 60 centimes le 5 juin 1940.
C'est la plus forte hausse de prix jamais pratiquée d'un numéro à l'autre. Il est vrai qu'il ne s'agissait plus tout à fait du même franc.
Roger FRESSOZ, Canard Enchaîné du 29 Août 1984 -
Numéro imprimé sur 2 pages (au lieu de 4), à cause de la censure, cherté et rareté du papier...





