N° 1359 du Canard Enchaîné – 9 Octobre 1946
N° 1359 du Canard Enchaîné – 9 Octobre 1946
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La Mare au Pinard ! Sous l’occupation, compte tenu du rationnement, le marché noir prospère. En 1946, on estime qu’environ 4 millions de français (20% de la population active) vivent encore de trafics. Alors que la presse évoque des fraudes dans les textiles, les tickets d’essence, le commerce de la viande, une pénurie de vin survient, après des récoltes exécrables.
Pour tenir sa promesse de fournir 2 litres de vin par mois et par français, Félix Gouin, qui succéda à de Gaulle comme Président du gouvernement provisoire de la République française de janvier à juin 1946, décide d’en importer d’Algérie. Yves Farge, compagnon de la Libération, ministre du Ravitaillement du gouvernement de Georges Bidault, suspecte très vite des malversations (détournement par des professionnels du transport maritime, fausses déclarations, complicité de fonctionnaires haut placés…) et déclenche une enquête. Il congédie d’abord Pierre Malafosse, maire de Béziers et directeur du service des boissons de son ministère. Il transmet le dossier au parquet de la Seine pour prévarication et rend publics ces dysfonctionnements à la tribune de l’Assemblée nationale le 1er octobre. Cette annonce indigne profondément une opinion publique déjà échaudée par les restrictions.
Dans le numéro 1359 du Canard enchaîné, paru le 9 octobre 1946, Pierre Bénard, rédacteur en chef, écrit : « Depuis 2 ans, c’est le néant. La reconstruction est en panne, la justice en veilleuse, la production au ralenti, l’armée en carnaval […] Les scandales habitent chaque ministère. Le Ravitaillement ne nous alimente qu’en sujets d’indignation. La guerre conserve dans la naphtaline les survivants de Vichy, l’Économie nationale ne nous apporte que la vie chère et l’information que la mauvaise foi ». En page 2, « La Mare aux canards » est presque entièrement consacrée à ce scandale des vins, avec, comme rédacteurs, notamment, les échotiers Yves Grosrichard et Martial Bourgeon (alias Claude Martial), grands habitués des couloirs du Palais Bourbon.
Créée en février 1947, la commission d’enquête parlementaire conclut, après 3 ans de travaux, dans son rapport de 1779 pages, que « la plupart des opérations frauduleuses qui font actuellement l’objet des poursuites judiciaires n’ont eu aucune répercussion sur le ravitaillement du pays en vin de consommation courante ». L’enquête innocente Félix Gouin, qui échappe à la Haute Cour de justice, que l’hebdomadaire satirique avait réclamée pour lui et son entourage en octobre 1947.
Le rationnement fut supprimé en 1949 et ce scandale amorça la libéralisation du marché du vin.
SP
Dans l’article « Vous avez fermé les nôtres, fermez les vôtres ! », Pierre Bénard critique sévèrement la fermeture des maisons de tolérance en France, orchestrée par Marthe Richard et soutenue par des figures politiques comme Maurice Schumann. Bénard commence par une note sarcastique, exprimant une reconnaissance ironique envers ceux qui ont prétendument œuvré pour la pureté morale du pays, tout en insinuant qu’ils ont négligé leur propre vertu.
Bénard poursuit en déplorant le manque de réalisations tangibles du gouvernement depuis deux ans. Il critique la paralysie de la reconstruction, la lenteur de la justice, la stagnation de la production, et le fait que l’armée semble être en désordre. Il souligne également les scandales récurrents dans chaque ministère, la mauvaise gestion du ravitaillement qui ne fournit que des motifs d’indignation, la conservation des anciens collaborateurs de Vichy par le ministère de la Guerre, l’échec de l’économie nationale à contrôler la vie chère, et l’incompétence de l’information.
L’éditorialiste conclut de manière cinglante en établissant une analogie entre la fermeture des maisons closes et la situation chaotique au sein du gouvernement, qualifiant ce dernier de « drôle de bordel ». Bénard appelle implicitement à une réforme profonde de l’administration publique, suggérant que la véritable tolérance devrait commencer par la purification de la sphère politique.
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