N° 1646 du Canard Enchaîné – 7 Mai 1952
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Les cornichons et les autres – Cet article savoureux de R. Tréno illustre avec une ironie mordante la dualité entre les « cornichons », petits citoyens français naïfs et patriotes, et les « malins », ces profiteurs qui manipulent le système pour en tirer des avantages substantiels. L’auteur s’amuse à croquer les portraits de ces deux catégories sociales dans le contexte de la politique économique menée par Antoine Pinay, alors Président du Conseil et artisan du fameux « miracle économique » français.
Dans ce texte, François Mauriac, célèbre écrivain et polémiste, fait office de déclencheur. Après avoir ironisé sur Pinay dans Le Figaro, il provoque l’ire de ses propres lecteurs, qu’il décrit comme une « véritable dégelée » de protestations. Ces derniers, décrits par Tréno comme des « grenouilles de bénitier » et des défenseurs acharnés de Pinay, considèrent le Premier ministre comme un véritable sauveur. Leur attachement aux grands idéaux patriotiques contraste avec leur rôle de « cornichons », expression utilisée par Tréno pour souligner leur crédulité et leur aveuglement face à une situation économique qui ne les avantage pas.
Les « cornichons », dit l’article, sont patriotes et honnêtes jusqu’à l’absurde. Ils paient leurs impôts en se saignant aux quatre veines, supportent les baisses de revenus et placent naïvement leur confiance dans les promesses de redressement économique. Tréno les raille avec des phrases acides, illustrant leur comportement : « Il va à la baisse tous les dimanches » ou encore « Chaque matin en lisant Le Figaro, il se dit : « On les aura ! » »
En opposition, l’article dépeint les « malins », ces individus ou groupes qui savent naviguer les méandres du système avec une habileté cynique. Ces derniers ne s’embarrassent pas de patriotisme naïf : ils profitent des lois fiscales et de la finance pour accumuler de l’or et des profits en toute discrétion. Tréno ne manque pas de dénoncer leur hypocrisie et leur complicité tacite avec le système : « Les détenteurs d’or pourront souscrire à l’emprunt sans craindre la baisse des cours », cite-t-il de L’Aurore. Les malins bénéficient des largesses de M. Pinay et trouvent dans son emprunt un placement sûr et rentable.
La charge finale de Tréno, percutante et amère, illustre bien son intention : il y a deux monnaies en France, celle des cornichons, « fondante et trébuchante », et celle des malins, « mise à l’abri des intempéries et du fisc ». Une critique cinglante de l’injustice sociale et économique qui fait écho aux débats de l’époque, où les inégalités commençaient à s’accroître sous couvert de redressement national.
R. Tréno, fidèle à son style acerbe et incisif, livre ici un portrait sans concession de la société française de 1952, entre illusion collective et réalités politiques. Cet article témoigne d’une période où les tensions sociales se mêlent aux espoirs de reconstruction économique, révélant les fractures d’une France en quête de stabilité.
Les hommes-sandwichs, dessin de Bil.
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