N° 180 du Canard Enchaîné – 10 Décembre 1919
N° 180 du Canard Enchaîné – 10 Décembre 1919
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Pour combattre le bolchevisme, un concours original et patriotique:
Dessin n°1 de Calvo, dessin n°2 de Guilac « Le bolchevik n’en veut pas qu’à votre argent ! il violera votre petite amie et donnera la gale à votre chien », dessin n°3 de Raoul Guérin « Bolchevisme – Si vous n’avez pas de tabac… Si la seine monte… S’il y a des accidents de chemin de fer, c’est sa faute » – La Seine monte…Non elle descend, dessin de Raoul Guérin – Bloc national, dessin de Foy – Première séance, dessin de Oberlé –
Le Canard déchaîné du 10 décembre 1919 se délecte du nouveau mot magique qui envahit la presse et la politique : le mazout. Rodolphe Bringer s’amuse à le traiter comme une bête fabuleuse dont on organiserait la chasse, tandis que Whip raille les ingénieurs rêveurs qui imaginent une “pipe-line” du Havre à Paris. Deux satires parallèles qui, sous couvert de fantaisie, visent les absurdités administratives et le jargon pseudo-technique d’une époque obsédée par la crise du charbon.
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
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Sous le titre « La chasse au Mazout », Rodolphe Bringer signe un pastiche scientifique et cynégétique digne d’un Buffon revisité par Alphonse Allais. Le mazout y devient un animal fabuleux, à mi-chemin entre le kangourou et le tamanoir, dont la conformation permettrait de le capturer plus facilement d’un côté que de l’autre. Avec un sérieux feint, l’auteur décrit sa reproduction « unilatérale », sa chair coriace et indigeste, et surtout la valeur de son huile, utilisée « de temps immémorial » par les Esquimaux. Le trait comique tient à cette zoologie imaginaire où l’or noir se trouve réduit à une faune grotesque, objet d’une chasse nationale organisée par l’État. On y reconnaît le goût du Canard pour tourner en dérision la langue savante et les obsessions industrielles d’après-guerre.
Dans « La Pipe-line », signé Whip, le ton change mais l’ironie reste féroce. Ici, le mazout n’est plus une bête à traquer, mais une pâte visqueuse qu’il faudrait acheminer du Havre à Paris par une rigole de ciment ! L’auteur multiplie les détours moqueurs sur cette « rigole hypothétique » : on la remplirait comme un ruisseau domestique, avant de pomper le tout grâce à des machines aspirantes. L’invention technique, mise en scène comme une farce, renvoie à la crédulité bureaucratique et à la prolifération de projets aussi coûteux qu’inutiles. Whip s’amuse à élargir l’idée en imaginant d’autres rigoles transportant vin, bière, rhum ou vermouth vers la capitale – satire jubilatoire d’une France avide de solutions miracles pour pallier la pénurie énergétique.
Ces deux textes, publiés ensemble, forment un diptyque satirique révélateur. D’un côté, Bringer illustre l’absurdité par la parodie naturaliste, en décrivant le mazout comme un gibier exotique ; de l’autre, Whip montre comment les ingénieurs et administrateurs se laissent griser par leur propre jargon pseudo-moderne. Au-delà de la plaisanterie, le lecteur de décembre 1919 retrouve une inquiétude bien réelle : la crise du charbon qui frappe l’Europe, l’urgence d’assurer l’approvisionnement énergétique, et l’impression que les solutions proposées sont toujours plus risibles que crédibles.
Le Canard déchaîné saisit donc l’occasion de brocarder à la fois le langage des experts et l’imagination technocratique. En se moquant du « mazout » comme d’un monstre fabuleux ou d’un torrent domestiqué, il rappelle que derrière les promesses de modernité se cache souvent un art consommé de noyer le citoyen dans les beaux discours.





