N° 183 du Canard Enchaîné – 31 Décembre 1919
N° 183 du Canard Enchaîné – 31 Décembre 1919
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Un Convoi de Prisonniers Bolchevicks débarque en gare de Noisy-le-Sec
Dans son édition du 31 décembre 1919, Le Canard déchaîné clôt l’année avec une charge féroce : un « convoi de prisonniers bolchevicks » débarque en gare de Noisy-le-Sec et provoque une scène grotesque. La presse sérieuse aurait parlé d’un événement militaire, mais le Canard transforme l’arrivée en mascarade carnavalesque, où les « monstres » barbus et couteau entre les dents, caricaturés par Guilac, déclenchent la panique d’une foule avide de spectacle. Entre fantasmes anticommunistes et satire du sensationnalisme, l’article dénonce l’hystérie collective de l’après-guerre.
Le Canard Déchaîné, manchette redessinée par Calvo
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Le 31 décembre 1919, Le Canard déchaîné publie en une un article au titre fracassant : « Un convoi de prisonniers bolchevicks débarque en gare de Noisy-le-Sec ». Dès les premiers mots, le ton est donné : ce n’est pas un récit sobre mais une parodie d’événement, où la peur de l’ennemi intérieur devient un prétexte à la satire.
Le récit commence par l’effet de rumeur : « comme une traînée de sucre en poudre », le bruit court qu’un train rempli de bolcheviques doit arriver à Paris. On imagine déjà la foule excitée, et le journal décrit l’envahissement de la gare comme une kermesse populaire. Mais quand les prisonniers apparaissent enfin, la description vire au grotesque : « des monstres à face humaine, ignobles, hideux, hirsutes, couverts de poils et de crasse, grimaçants et bavants », tous affublés de couteaux ensanglantés entre les dents. La caricature est si outrée qu’elle renvoie moins à un reportage qu’à un pastiche des fantasmes anticommunistes véhiculés par une certaine presse.
Le dessin de Guilac complète le tableau en représentant ces bolcheviques comme une masse indistincte, à l’œil mauvais et couteau entre les dents, tandis que la foule parisienne réagit avec un mélange d’horreur et de fascination. La mise en scène satirique souligne combien les journaux de l’époque savaient exploiter les peurs pour captiver leurs lecteurs, quitte à transformer la réalité en théâtre.
Le texte joue aussi sur le contraste entre la gravité supposée de l’événement et la trivialité des réactions populaires. Une femme s’évanouit, une autre accouche prématurément, la foule hurle « À mort ! », mais les bolcheviques, eux, restent impassibles. L’un d’eux, pris d’un délire subit, aurait tenté d’attaquer une femme avant d’être neutralisé. Ici encore, Le Canard grossit les traits, ridiculisant à la fois les prisonniers fantasmés et ceux qui orchestrent leur mise en scène.
À travers cette satire, c’est l’obsession anticommuniste de l’après-guerre qui est visée. La peur du « bolchevik » envahissant ou contaminant l’Europe est ici tournée en ridicule, et l’on comprend que derrière l’ironie se cache une critique plus large du sensationnalisme médiatique et de la politique de la peur.
Clore 1919 sur cette image de train rempli de « monstres » grotesques, c’est rappeler que la paix retrouvée ne suffit pas à apaiser les esprits : la guerre des représentations continue. Et pour le Canard, rien de tel qu’un convoi imaginaire pour démonter l’hystérie collective.





