N° 186 du Canard Enchaîné – 21 Janvier 1920
N° 186 du Canard Enchaîné – 21 Janvier 1920
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Deschanel aux pilules, Clemenceau en retraite, Millerand aux manettes : la République en comédie
Le 21 janvier 1920, Le Canard déchaîné se régale d’une actualité politique en pleine effervescence : Paul Deschanel élu président de la République, Clemenceau poussé vers la sortie et déjà caricaturé dans sa retraite, Millerand chargé de former son ministère… Rien n’échappe aux chroniqueurs satiriques, qui mêlent faux entretien publicitaire, citations de la presse sérieuse, ragots de cuisine et portrait moqueur du nouveau gouvernement. En quelques pages, le journal dessine une fresque burlesque de la Troisième République, entre pilules miracles, dithyrambes médiatiques et petits calculs de couloir.
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L’édition du 21 janvier 1920 témoigne du goût du Canard déchaîné pour la juxtaposition de registres. Quatre articles, tous très différents dans la forme, composent un tableau ironique des bouleversements politiques de l’heure.
Le premier, « Le nouveau président », met en scène un certain « M. Poldéchanelle », double transparent de Paul Deschanel, qui livre un faux entretien dans lequel il attribue ses succès politiques… aux fameuses « Pilules Pink ». Ce détournement publicitaire, typique du Canard, réduit l’élection présidentielle à une affaire de médication : l’homme qui s’apprête à diriger la République n’est finalement qu’un produit de pharmacie. Le procédé souligne la vacuité des panégyriques et tourne en dérision la gravité de l’instant.
Vient ensuite « La presse et l’élection de M. Paul Deschanel », compilation de commentaires extraits du Petit Journal, de l’Écho de Paris, de La Victoire, du Figaro, de l’Action française et du Temps. Chaque citation, reproduite sans commentaire apparent, suffit à révéler l’excès de louanges ou la violence des règlements de comptes. Ici, la satire naît du simple collage : Deschanel devient le « seul homme qui puisse refaire la France », tandis que Clemenceau est relégué au rang de « vieillard néfaste ». Le lecteur, pris entre emphase ridicule et fiel vengeur, mesure la servilité et l’aveuglement d’une presse partisane.
Le troisième article, « Les projets de M. Clemenceau », joue la carte de l’anecdote domestique : la cuisinière du « Tigre », croisée chez un épicier, confie qu’il compte se retirer en Vendée, puis gravir patiemment les échelons locaux avant de revenir à Paris… jusqu’à la présidence ! La projection prêtée à la servante révèle moins une stratégie réelle qu’un prétexte à moquer l’ambition persistante de Clemenceau, incapable de lâcher prise. L’humour repose sur le décalage entre la solennité des grands desseins et la banalité d’une conversation de boutique.
Enfin, « Le ministère Millerand est constitué » énumère les portefeuilles du nouveau gouvernement. Là encore, la satire se niche dans la présentation : sous des dehors sérieux, chaque nomination est assortie d’un commentaire ironique, d’une comparaison absurde ou d’un rappel d’inutilité. La litanie ministérielle devient un inventaire à la Prévert, où l’on souligne l’incohérence des choix et la légèreté des justifications.
Pris ensemble, ces quatre textes illustrent le style du Canard déchaîné de l’après-guerre : pastiche publicitaire, collage de citations, ragot domestique, chronique pseudo-officielle. Autant de masques pour dire la même chose : la République parlementaire est un théâtre où les acteurs s’agitent, où la presse en rajoute, et où le peuple, spectateur amusé, ne peut qu’applaudir ou ricaner.
Cette édition, en apparence légère, traduit un moment charnière : Clemenceau écarté, Deschanel élu, Millerand promu. Mais plutôt que de commenter sérieusement les enjeux, Le Canard choisit de tourner tout cela en farce. Et c’est dans cette désacralisation permanente qu’il trouve sa force : montrer que derrière les pilules, les flatteries ou les cuisines, la politique n’est jamais qu’une comédie humaine.





