N° 193 du Canard Enchaîné – 10 Mars 1920
N° 193 du Canard Enchaîné – 10 Mars 1920
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Envoi de fleurs
Avec Envoi de fleurs, publié le 10 mars 1920, Roland Catenoy mêle romance, humour et satire sociale. Le récit met en scène deux amants, Lucienne et Jacques, dont le bonheur dépend… de la grève des cheminots. Tant que les trains restent à l’arrêt, leurs rendez-vous amoureux se prolongent. Mais la reprise du trafic sonne la fin de leur idylle clandestine. Dans un mélange d’ironie et de tendresse, Catenoy transforme un conflit social en comédie sentimentale, tout en pointant les contradictions d’une société secouée par les grandes grèves de l’après-guerre.
La mode au théâtre, dessin de Henri Guilac.
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Le texte de Roland Catenoy, paru le 10 mars 1920, illustre parfaitement l’art du Canard déchaîné : détourner un fait social brûlant en histoire drôle, presque en fable. La grève des cheminots, qui agite alors le pays depuis plusieurs semaines, devient ici le ressort d’un récit sentimental.
Lucienne et Jacques, amants clandestins, vivent leur bonheur grâce à l’arrêt du trafic ferroviaire. Les trains retardés, les horaires bouleversés, tout concourt à prolonger leurs rencontres. Leurs journées se déroulent comme dans un conte : promenades, petits-déjeuners languissants, nuits prolongées par l’absence du train de retour. La grève, perçue par beaucoup comme un drame national, se transforme pour eux en bénédiction. Catenoy souligne avec humour que « jamais grève n’avait apporté de pareils bienfaits » à des amoureux.
Mais cette félicité est fragile. Le retour à la normale des chemins de fer annonce aussi la fin de leur parenthèse enchantée. Dans une chute savoureuse, Jacques, reconnaissant malgré tout envers les grévistes, envoie un bouquet de mimosa et d’œillets aux ateliers de Villeneuve-Saint-Georges, accompagné de la mention : « Envoi de deux admirateurs reconnaissants ». Ainsi, le conte se conclut sur une pirouette qui fait sourire tout en réinscrivant l’histoire dans la réalité sociale.
Pour comprendre la portée de ce texte, il faut rappeler le contexte. Depuis 1919, la France connaît une vague de grèves puissantes, en particulier dans les transports. Les cheminots, organisés autour de la CGT, multiplient les arrêts de travail pour réclamer de meilleures conditions de vie et l’amélioration du service public. Ces mouvements inquiètent le gouvernement Millerand, qui y voit une menace contre l’ordre républicain et redoute une contagion révolutionnaire dans le sillage de la révolution russe.
Catenoy, en bon satiriste, choisit de ne pas traiter frontalement l’aspect politique. Il déplace le regard vers la vie quotidienne et intime, montrant comment un conflit collectif peut se répercuter jusque dans les histoires d’amour. En apparence léger, ce conte met en lumière l’imbrication du social et du personnel, et rappelle que la grève n’est pas seulement un bras de fer entre l’État et les syndicats, mais un bouleversement qui touche tous les aspects de la vie.
En fin de compte, Envoi de fleurs illustre une double fidélité du Canard déchaîné : à sa verve satirique, qui transforme l’actualité en matière de comédie, et à son ancrage dans l’époque, qui révèle les inquiétudes et les espoirs de la France de l’après-guerre. Derrière les rires, on retrouve la conscience d’un pays en pleine mutation, où même les idylles dépendent des soubresauts du monde social.





