N° 199 du Canard Enchaîné – 21 Avril 1920
N° 199 du Canard Enchaîné – 21 Avril 1920
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Le 1er Mai prochain, M. le duc de Montpensier travaillera toute la journée.
L’accident de Verneuil et sa cause profonde, deux hypothèses et une explication
Le 21 avril 1920, Le Canard déchaîné s’empare d’un accident ferroviaire survenu à Verneuil pour tourner en dérision les explications officielles. Un train surchargé déraille, un mort, quarante blessés, mais l’hebdomadaire préfère ironiser : les cardinaux présents auraient-ils attiré la poisse ? Ou n’est-ce pas plutôt la crise du charbon qui pousse les compagnies à des imprudences fatales ? Le dessin de Guilac illustre l’affaire avec férocité : un homme étendu sur les rails lit paisiblement son journal en soupirant, « Pourvu qu’ils n’aient pas encore enlevé un rail ! ».
Les briseurs de grève (suite), dessin de Raoul Guérin
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Dans son édition du 21 avril 1920, Le Canard déchaîné fait du déraillement de l’express 503 à Verneuil une leçon de satire. Aristide Briand et plusieurs prélats se trouvaient dans le train : détail qui, pour tout autre journal, aurait relevé du spectaculaire, mais que le Canard détourne en une hypothèse volontairement grotesque — la concentration d’hommes d’Église serait-elle responsable de la catastrophe ?
Ce clin d’œil ironique à la superstition vise moins à convaincre qu’à ridiculiser : il s’agit de rappeler que l’on n’explique pas un drame par une « malédiction », fût-elle ecclésiastique. L’hebdomadaire moque ainsi une certaine presse toujours prompte à chercher des causes providentielles ou morales.
La seconde explication, plus réaliste, met en lumière la crise du charbon qui asphyxie alors l’économie française. Depuis des mois, les compagnies ferroviaires suppriment des trains, affichent des avis dans les gares et surchargent ceux qui subsistent. Le Canard montre du doigt cette organisation chaotique, où l’on sacrifie la sécurité des voyageurs sur l’autel des restrictions et du profit. L’accident de Verneuil apparaît alors comme le résultat prévisible d’un système à bout de souffle.
Le dessin de Guilac condense cette double lecture avec un humour noir implacable : un voyageur étendu sur la voie, lisant « La Vie Heureuse », lance la réplique absurde, « Pourvu qu’ils n’aient pas encore enlevé un rail ! ». L’image dit tout : un peuple résigné, allongé sur les rails du désastre, préférant s’accrocher à ses lectures consolatrices plutôt que de dénoncer les vrais responsables.
En traitant un fait divers tragique avec un mélange de moquerie et de critique sociale, le Canard illustre sa ligne : rien n’est sacré, pas même les dignitaires religieux, et derrière chaque accident se cache moins une fatalité qu’un dysfonctionnement structurel. L’article du 21 avril 1920 rappelle ainsi combien la presse satirique de l’après-guerre voulait secouer l’opinion : contre les illusions pieuses, regarder en face le déraillement d’un pays encore en crise.