N° 203 du Canard Enchaîné – 19 Mai 1920
N° 203 du Canard Enchaîné – 19 Mai 1920
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La pression gouvernementale s’accentue … mais celle du GAZ diminue.
SAINT-MANDÉ EN FÊTE,La canonisation de Roger Brindolphe
19 mai 1920 : Roger Brindolphe monte au ciel… à coups de canon ! Maurice Maréchal orchestre une cérémonie délirante où la République se pique de canoniser ses enfants comme le Vatican. Entre satire anticléricale et moquerie des grands rituels officiels, Le Canard enchaîné célèbre à sa façon l’un de ses piliers, caricaturé en martyr joyeux d’un pays qui préfère le burlesque au sacré.
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Avec La canonisation de Roger Brindolphe, publié le 19 mai 1920, Maurice Maréchal déploie tout l’art satirique du Canard enchaîné, mêlant humour absurde, parodie religieuse et critique des institutions. Brindolphe, personnage central du journal depuis ses débuts — pseudonyme de Rodolphe Bringer, plume joyeuse et goguenarde — est ici élevé au rang de saint, dans une cérémonie grotesque où l’État se substitue au Vatican.
Le récit imite avec sérieux le ton des chroniques officielles : un « envoyé du gouvernement » réveille Brindolphe au petit matin, l’entraîne vers un terrain d’honneur où tribunes, drapeaux et corps diplomatique l’attendent. Mais au lieu d’une messe solennelle, la canonisation prend des allures de farce militaire : Brindolphe est attaché à un poteau, la Marseillaise résonne, et un canon lui expédie en pleine poitrine l’obus censé consacrer sa sainteté. Le tout se conclut par une proclamation officielle : « Au nom du pape et de la République française, vous êtes canonisé ! ».
On retrouve là l’esprit anticlérical qui imprègne encore fortement Le Canard au lendemain de la guerre. Depuis la Séparation de 1905, la satire du clergé est une arme récurrente contre l’ordre moral. Maréchal, en orchestrant cette parodie de canonisation, renverse les codes du sacré et tourne en dérision à la fois les rites religieux et les pompes républicaines. La République, qui cherche à se donner des saints laïques, est moquée pour son goût de l’apparat et des cérémonies grandiloquentes.
Le choix de Brindolphe n’est pas anodin. En 1920, le journal consolide sa réputation grâce à la verve de ses collaborateurs réguliers. En transformant l’un d’entre eux en « saint » officiel, Le Canard pratique l’autodérision tout en marquant son indépendance face aux institutions. C’est une manière de rappeler que ses « saints » ne sont pas ceux de Rome ou de la République, mais bien ceux de l’humour et de la presse libre.
Dans une France qui panse encore ses plaies de guerre et multiplie les commémorations héroïques, Maréchal choisit une autre voie : ridiculiser les cultes officiels et proposer un culte parallèle, celui de la blague et de la satire. Ce texte illustre parfaitement l’esprit de 1920 : derrière les rires, une défiance profonde envers toutes les formes d’autorité.

 
      



