N° 2845 du Canard Enchaîné – 7 Mai 1975
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PC-PS au Portugal : La peur des militaires les rend plus civils, par Claude Angeli
Quand les bottes reculent devant les urnes
Au Portugal, un an après la Révolution des Œillets, l’armée qui avait ouvert la voie à la démocratie semble redécouvrir les limites de son pouvoir. Les officiers du Mouvement des forces armées, longtemps tentés de gouverner seuls, sentent le sol se dérober sous leurs bottes. Face à eux, les partis civils – communistes, socialistes, sociaux-démocrates – multiplient les discussions et batailles électorales. Résultat : les militaires, qui se croyaient gardiens indiscutés de la révolution, commencent à reculer et laissent aux partis la responsabilité d’apprendre à gouverner. La peur d’un isolement les rend soudain plus… civils.
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PC-PS au Portugal : La peur des militaires les rend plus civils
Le Portugal entre caserne et urne
Claude Angeli livre ici une analyse fine d’un moment charnière de la transition portugaise, un an après le 25 avril 1974. Le pays vit alors une situation paradoxale : c’est bien l’armée, à travers le Mouvement des forces armées (MFA), qui a renversé la dictature salazariste, mais ce sont désormais les partis politiques qui revendiquent la légitimité démocratique. Entre les deux, l’équilibre est fragile et la méfiance réciproque.
L’article souligne à quel point les militaires, après avoir joué les sauveurs de la nation, peinent à se convertir en arbitres désintéressés. Ils sont soupçonnés de vouloir s’accrocher au pouvoir, au point de susciter des accusations de dérive autoritaire. Pourtant, Angeli note un tournant : l’armée, consciente du danger d’un divorce avec la société, choisit de ne pas aller trop loin. Les chefs militaires comme Otelo de Carvalho, figures de la révolution, semblent accepter que l’avenir appartienne aux civils – quitte à perdre leur monopole sur la direction du pays.
Ce recul n’efface pas les tensions. Les communistes, bien implantés dans le mouvement ouvrier et bénéficiant du soutien d’une partie du MFA, affrontent les socialistes de Mário Soares et les sociaux-démocrates. Chacun veut incarner la démocratie, chacun redoute l’autre. Le Canard, fidèle à son ton ironique, montre comment ces querelles de partis font le jeu des militaires, qui se posent encore en arbitres… mais des arbitres désormais contraints à plus de prudence.
En toile de fond, on devine le climat européen : l’ombre des coups d’État, la peur d’un basculement vers une dictature militaire de gauche ou de droite, et la vigilance des alliés occidentaux qui suivent de près l’expérience portugaise.
Angeli, correspondant attentif, met le doigt sur une vérité politique intemporelle : une révolution ne se juge pas seulement à sa victoire initiale, mais à sa capacité à se transformer en institutions solides. Au Portugal, en mai 1975, l’armée commence à comprendre qu’une démocratie ne se bâtit pas à la caserne mais au Parlement.