N° 509 du Canard Enchaîné – 31 Mars 1926
N° 509 du Canard Enchaîné – 31 Mars 1926
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Comment les Parisiens apprirent la tragique nouvelle – Les transparents de l’Écho de Paris
À la une du Canard enchaîné du 31 mars 1926, une chronique savoureuse raconte comment les Parisiens ont appris « la tragique nouvelle » : la défaite électorale des candidats de droite, Kerillis et Reynaud, face à Duclos et Fournier. Entre ironie et désespoir feint, le journal se moque de la réaction du camp nationaliste, massé sous les fenêtres de L’Écho de Paris pour guetter les résultats projetés sur des transparents lumineux. Illustré par Guilac, l’article transforme cette veillée politique en pantomime grotesque : la bourgeoisie consternée face à ses illusions qui s’éteignent — littéralement — dans la nuit électorale.
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Le 31 mars 1926, Le Canard enchaîné publie à la une un chef-d’œuvre de satire politique : « Comment les Parisiens apprirent la tragique nouvelle ». Le titre, faussement dramatique, annonce la chute des candidats nationalistes Henri de Kérillis et Paul Reynaud, battus lors d’élections partielles à Paris par les républicains de gauche Duclos et Fournier. L’article, anonyme mais d’une ironie très maîtrisée, décrit la scène comme une tragédie d’opérette : sur la place de l’Opéra, la droite mondaine attend la victoire, les yeux rivés sur les panneaux lumineux de L’Écho de Paris. Et peu à peu, les chiffres, projetés à la manière d’un spectacle, s’effacent dans la nuit — avec les illusions des électeurs conservateurs.
La narration, au ton mi-épique mi-désabusé, emprunte au registre dramatique pour mieux tourner la défaite en ridicule. On y lit : « Ce drame — car c’est vraiment un drame pour les patriotes — peut se résumer dans l’histoire vécue des transparents de la place de l’Opéra. » Les « transparents » en question, ces projections lumineuses sur la façade du grand quotidien de droite, symbolisent le triomphe attendu du nationalisme parisien. Mais au fil des heures, les lettres se brouillent, les chiffres deviennent « de plus en plus petits », et le transparent finit par ne plus rien transparaître. L’illusion du pouvoir, littéralement, s’éteint.
Guilac, qui illustre la scène, renforce cette théâtralité en croquant les foules massées devant l’immeuble : messieurs en chapeau melon, dames en manteau, curés inquiets — toute la bourgeoisie de l’Opéra médusée devant la défaite. Le dessin final, où la façade sombre dans le noir, souligne le gag visuel : les lampions s’éteignent, la comédie s’achève.
Le Canard excelle ici dans l’art du contre-champ. Tandis que L’Écho de Paris s’apprêtait à célébrer une victoire, son propre public devient objet de moquerie. Le texte regorge d’allusions mordantes : la mention du Matin et de son « avion à fusées de couleur », utilisé jadis pour annoncer les victoires sportives, souligne combien la politique s’est transformée en spectacle médiatique. L’article raille aussi la grandiloquence patriotique de la droite : les ligues citées — Ligue civique, Action française, Faisceau de Valois — se retrouvent grotesquement unies dans la défaite, incapables de comprendre comment le peuple a voté autrement que prévu.
Historiquement, cette scène s’inscrit dans un climat d’extrême tension politique. La France du printemps 1926 est secouée par la crise financière et la désunion du Cartel des gauches. À droite, les ligues nationalistes multiplient les manifestations contre le parlementarisme. Le Canard enchaîné se délecte de cette défaite symbolique : celle d’un Paris bourgeois persuadé d’incarner la nation, et qui découvre, consterné, que les urnes lui échappent.
La chute de l’article résume tout le ton du journal :
« C’est à Berlin qu’on illuminait ! »
En une phrase, tout bascule : le patriotisme outrancier de la droite vire au grotesque, ses illusions de grandeur s’effondrent dans le noir. La lumière s’est éteinte place de l’Opéra — mais dans les colonnes du Canard, la satire, elle, brille de tout son éclat.





