N° 596 du Canard Enchaîné – 30 Novembre 1927
N° 596 du Canard Enchaîné – 30 Novembre 1927
79,00 €
En stock
30 novembre 1927 : quand l’Action française se découvre “laïque”
Sous la plume ironique de Drégerin, le congrès de l’Action française devient une comédie où les monarchistes, privés de bénédiction papale, se piquent de défendre la laïcité ! Entre messes parodiques, abbés réfractaires et “tonneaux de vin de messe”, Le Canard enchaîné transforme la politique en cabaret. Une satire mordante d’un mouvement qui, à force de contradictions, finit par bénir sa propre caricature.
Rançon, dessin de Raoul Guérin –
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
En stock
🪶 “Le Congrès de l’Action française organise la défense laïque” de Drégerin (Le Canard enchaîné, 30 novembre 1927)
Sous la plume incisive de Drégerin — pseudonyme d’André Guérin, l’un des piliers satiriques du Canard enchaîné de l’entre-deux-guerres —, cette chronique de la page 3 du 30 novembre 1927 transforme le compte rendu d’un congrès royaliste en une farce burlesque, digne du meilleur humour anticlérical. En inversant les rôles et en feignant de prendre au sérieux la “défense laïque” de l’Action française, Guérin signe un texte d’un comique ravageur, révélateur de la tension idéologique de la France d’alors.
Nous sommes en pleine Troisième République, et le pays reste fracturé entre républicains laïques et droites monarchistes. L’Action française, mouvement d’extrême droite fondé par Charles Maurras, vient alors de traverser une période de tourmente : condamnée par le Vatican depuis 1926, frappée d’interdit par Rome, elle se trouve paradoxalement contrainte de défendre sa propre “laïcité”. C’est ce paradoxe que Drégerin exploite jusqu’à l’absurde, décrivant avec une ironie savoureuse le “Congrès” où des militants royalistes débattent avec gravité de “l’expulsion des congrégations” et de “la fondation d’une Église gallicane, laïque et obligatoire” — une hérésie savoureuse pour un mouvement né de l’alliance du trône et de l’autel.
L’auteur s’amuse à peindre cette assemblée comme une parodie de concile. On y lit des rapports au ton grandiloquent, on y évoque les “caves du Vatican”, et l’on chante des refrains d’auberge — “Hou ! hou ! la calotte ! et vive le roi !” — entre deux saluts au duc de Guise, prétendant orléaniste. Tout est faux sérieux et vrai grotesque. Guérin excelle à dégonfler le pathos des ligues royalistes, ces éternels “combattants de la France éternelle” réduits ici à une bande de croquemitaines “fouettant des soutanes” et fêtant leur victoire autour d’un tonneau de vin de messe.
Le Canard retrouve ici son rôle de journal de contre-attaque républicain, héritier de la veine anticléricale du XIXᵉ siècle. Face aux menées maurrassiennes et aux tensions religieuses ravivées par la condamnation pontificale, il choisit la satire plutôt que le sermon. En ridiculisant l’Action française, Drégerin frappe plus fort qu’un éditorial : il fait rire pour désarmer. Le “congrès” devient une kermesse d’arrière-salon où prêtres réfractaires, messieurs compassés et abbés en rupture de ban s’unissent dans le désordre, au nom d’une “défense laïque” qui n’est qu’un mot vidé de sens.
Le dessin de Guilac, placé au cœur de l'article, prolonge cette ironie : prêtres et militants s’y affrontent à coups de parapluie et de canne, symbole d’une guerre des idées devenue pur vaudeville. Dans ce mélange d’humour, de politique et de verve populaire, tout le génie du Canard enchaîné de la fin des années 1920 s’exprime — un journal qui n’a pas besoin de dénoncer : il suffit de raconter.





