N° 717 du Canard Enchaîné – 26 Mars 1930
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26 mars 1930 — Mme Hanau s’évade… et la justice coule à pic
Pierre Bénard signe une “enquête du Canard” désopilante
La fameuse Marthe Hanau aurait quitté l’hôpital Cochin grâce à « un faux infirmier » et deux véhicules aux couleurs de roman-feuilleton. Sous la plume de Pierre Bénard, l’affaire devient une parodie d’investigation : témoins extravagants, chauffeur bavard, et soupçons jusque sur Pierre Laval. À la fin, Le Canard conclut : ce n’est pas Mme Hanau qui s’évade, mais la justice qui part en bateau.
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Mme Hanau a quitté Cochin avec l'aide d'un faux infirmier
Le 26 mars 1930, Le Canard enchaîné s’offre un grand numéro d’investigation parodique : une « enquête du Canard » consacrée à l’évasion rocambolesque de Marthe Hanau, la « banquière des gogos », célèbre fondatrice de La Gazette du franc. Sous la plume de Pierre Bénard, l’affaire devient une farce judiciaire où la satire du journalisme d’investigation côtoie la dénonciation d’un système politique complice.
À cette date, l’affaire Hanau passionne la France depuis plus de quatre ans. À la tête d’un empire financier douteux, Marthe Hanau avait séduit des milliers d’épargnants, promettant des rendements miraculeux grâce à ses « emprunts industriels ». Son effondrement en 1928 avait provoqué un scandale retentissant, mêlant financiers, ministres et journalistes. Incarcérée à la prison de Saint-Lazare, puis hospitalisée à Cochin, Hanau s’était rendue célèbre par ses lettres incendiaires et ses révélations sur la corruption des élites. Quand Le Canard publie cet article, la rumeur de son évasion secoue de nouveau Paris.
Bénard s’en empare avec un ton faussement sérieux, pastichant les grands journaux de l’époque qui multipliaient les « enquêtes » sensationnelles. « Mme Hanau vient de jouer à la police, à la médecine et à la justice le tour le plus spirituel », annonce-t-il. Suit une reconstitution burlesque, menée par un narrateur-enquêteur inspiré du Petit Parisien et des feuilletons policiers. Le Canard, dit-il, ne pouvait « laisser plus longtemps la justice de notre beau pays dans une posture aussi ridicule ».
S’ouvre alors une succession de témoignages absurdes. Le principal témoin, Auguste, infirmier à la Maison Saint-Jean-de-Dieu, jure avoir tout vu « de sa fenêtre, ou plus exactement de celle de sa cousine d’un pays à qui il habite juste en face de l’hôpital » — un enchaînement à la Raymond Queneau avant l’heure. Selon lui, Mme Hanau aurait quitté Cochin « d’un pas tranquille, son petit sac à la main », escortée par « un faux infirmier » et deux véhicules suspects : « une voiture grise et un taxi rouge ».
À cette enquête grotesque s’ajoute le témoignage du chauffeur Flottes, personnage récurrent des chroniques de Bénard. Le brave homme confirme tout, mais en ajoutant un détail croustillant : à bord de la voiture, il y aurait eu « un homme en cravate blanche qui ressemblait à M. Pierre Laval comme un frère » — déjà ministre à l’époque, et futur chef du gouvernement collaborationniste. L’allusion est explosive, mais le ton reste badin : on devine que Le Canard se moque autant du pouvoir que des journalistes crédules qui « savent toujours quelque chose ».
La chute, comme souvent chez Bénard, renverse tout : « Nous croyons plutôt que, dans cette affaire, c’est la police et la justice qui sont emmenées en bateau, et dans quel bateau ! » La métaphore marine clôt une enquête qui n’aura rien résolu, mais tout dévoilé : le grotesque de l’État républicain, son incapacité à garder ses prisonniers comme à contenir la satire.
En 1930, Marthe Hanau incarne la défiance envers les institutions, et Le Canard enchaîne les parodies d’« affaires ». Dans cette comédie d’évasion, Bénard retrouve l’essence du journal : dénoncer les mensonges du pouvoir par le rire, et faire de la presse satirique la seule enquête vraiment libre.





