N° 756 du Canard Enchaîné – 24 Décembre 1930
N° 756 du Canard Enchaîné – 24 Décembre 1930
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24 décembre 1930 — Le Père Noël n’est pas venu…
Quand la République met des chaussures Oustric
À la veille de Noël, Le Canard enchaîné dépose sous le sapin un numéro au vitriol : un dessin de Pol Ferjac et un “hommage” signé Pierre Bénard transforment le scandale Oustric en crèche de la corruption. 33 000 francs pour prix de vertu : cette année, les cadeaux sentent la faillite.
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C’étaient des chaussures Oustric !
Le Canard enchaîné du 24 décembre 1930 publie un numéro d’une ironie noire, digne de sa tradition la plus mordante : alors que la France s’enfonce dans les scandales financiers, le Père Noël n’est pas venu. À la une, un dessin de Pol Ferjac montre deux enfants penchés sur leurs souliers vides. Le titre annonce : « Le Père Noël n’est pas venu… », et la légende assène le coup : « … C’étaient des chaussures Oustric ! ». En une image, tout est dit : les souliers troués de la République financière n’apportent plus de cadeaux, seulement la ruine, le mensonge et la faillite morale.
Ce dessin glaçant, sous son apparente innocence, résume l’état d’esprit du pays à la veille de Noël 1930. Le scandale Oustric, du nom du banquier failli dont la chute a emporté le garde des Sceaux Raoul Péret et éclaboussé le président du Conseil André Tardieu, a plongé la Troisième République dans un climat de suspicion généralisée. Les parlementaires trempent dans des affaires de spéculation, les banques vacillent, et la presse satirique — Le Canard en tête — joue le rôle de procureur public. En cette fin d’année marquée par les faillites, les procès et les démissions, le rire devient la seule défense contre la nausée politique.
En page 3, Pierre Bénard signe un article magistral intitulé « M. Camille Aymard avait touché le prix Oustric de 33 000 francs ». L’auteur s’y livre à une fausse cérémonie d’hommage, un éloge funèbre de la vertu tourné en parodie d’article académique. Camille Aymard, ancien notaire de Saïgon et proche du gouvernement, y est célébré pour son “modeste désintéressement”… tout en ayant reçu, en octobre 1929, 33 000 francs de la main d’Oustric lui-même. Bénard salue “l’honorabilité” du geste, expliquant que ce n’était “pas un pot-de-vin, mais un prix de vertu”. Sous la fausse révérence, le sarcasme mord : la République récompense ses moralisateurs comme d’autres décorent leurs complices.
L’article met en scène une « belle cérémonie », où défilent les figures du pouvoir — Tardieu, Péret, Falcou, Vidal, Marin — tous unis dans un même toast à la probité. Le ton est feutré, mais chaque phrase est un coup de scalpel : “Toute la famille, quoi, dit affectueusement M. Oustric.” La satire devient un miroir cruel d’un régime qui transforme la compromission en valeur civique. Même l’ancien ministre, cité en conclusion, offre un aveu en forme de lapsus : “J’ai une tache… Je la remplirai jusqu’au bout.”
En choisissant la date du 24 décembre pour publier cette “messe de minuit politique”, Le Canard offre une leçon d’ironie morale : sous le sapin de la République, les cadeaux sont remplacés par les krachs. Le dessin de Ferjac et le texte de Bénard se répondent à merveille : les enfants déçus et les ministres comblés appartiennent à la même fable.
Cette édition de Noël 1930 ne distribue ni jouets ni illusions — seulement un rire amer, celui d’un journal qui rappelle que, dans la France d’Oustric, même la vertu se paie comptant.





