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N° 893 du Canard Enchaîné – 9 Août 1933

N° 893 du Canard Enchaîné – 9 Août 1933

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La Vierge de Bauraing se fait entendre

Le 9 août 1933, Le Canard enchaîné publie à sa une « La Vierge de Bauraing se fait entendre », une fausse révélation signée Pierre Bénard. Sous couvert d’apparition mariale, le journaliste règle ses comptes avec les puissants, les faux dévots et les crédules. Sa Vierge parle clair : aux politiciens, elle prescrit le cynisme ; au peuple, elle renvoie ses illusions. Satire anticléricale et miroir du désarroi social, ce texte prophétise à sa manière la montée des dictatures et le naufrage moral de l’époque.

Numéro spécial de 6 pages.

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Quand Pierre Bénard fait parler la Vierge : miracles, misère et ironie sociale

Le 9 août 1933, Le Canard enchaîné s’offre un miracle d’un genre bien particulier : la Vierge de Beauraing — petit village belge devenu, depuis 1932, le théâtre d’apparitions mariales — se met à parler.
Mais dans la plume de Pierre Bénard, c’est moins la Sainte Vierge que la satire qui descend du ciel.
Sous le titre « La Vierge de Bauraing se fait entendre », Bénard tourne en dérision à la fois le commerce du miracle, la crédulité populaire, et les hypocrisies politiques et sociales d’une époque gagnée par la misère et la peur.


Le miracle comme business national

À Beauraing, en Belgique, cinq enfants affirment avoir vu la Vierge à plusieurs reprises entre novembre 1932 et janvier 1933. Le phénomène attire des foules entières. En août 1933, l’Église enquête encore, mais les pèlerinages battent déjà leur plein.
Bénard part de cette actualité religieuse pour en tirer une charge féroce contre la marchandisation du sacré.

Il écrit :

« Les apparitions d’aujourd’hui ne se contentent pas d’un arbre ou du cadre d’une grotte. Elles demandent une basilique, large et bien éclairée. »

Sous sa plume, la Vierge n’apparaît plus dans l’humilité de Lourdes ou de Lisieux, mais réclame des hôtels de luxe, des wagons-restaurants, des trains spéciaux.
La caricature de Lefor-Gall montre la scène : les malades et les curieux affluent vers un “Apparitions Palace” ou un “Cinéma des Miracles”, tandis que les ecclésiastiques encaissent.

Ce ton anticlérical n’est pas gratuit. En 1933, la France est secouée par la crise économique. La misère s’étend, les retraites s’effondrent, le chômage explose. Les “miracles” de Beauraing servent d’exutoire collectif : un peu de foi pour oublier la faim.
Bénard, lui, voit surtout le profit :

« Arrangez-vous avec Cook, avec les compagnies de trains, et faites venir du monde. Vous donnerez des wagons aux croquants, mais à ceux qui ont de l’argent, vous offrirez des trains de luxe. »

La “bonne Vierge” devient ainsi un agent de tourisme, un symbole de la collusion entre la religion, le commerce et la bourgeoisie.


Les malades, les pauvres et les politiciens : tous au sanctuaire

L’article prend la forme d’un faux reportage, où Le Canard prétend avoir “enregistré” les déclarations de la Vierge elle-même.
Les visiteurs défilent devant elle : Franklin-Bouillon, Pierre Laval, Léon Blum, Adrien Marquet…
Chacun vient chercher sa guérison — politique ou morale.
À Laval, la Vierge recommande une “cure d’opposition” ; à Blum, elle conseille “l’exclusion intestinale” ; à Marquet, devenu maire de Bordeaux et rallié au “néo-socialisme”, elle prescrit carrément un “changement de régime”.

Sous le masque du miracle, Bénard dresse un portrait d’une classe politique en pleine décomposition, hésitant entre collaboration et reniement.
À la veille du tournant autoritaire de 1934, ces notables apparaissent déjà comme des pénitents de la compromission.


Une Vierge sociale et sans indulgence

Mais le moment le plus fort du texte vient dans sa deuxième moitié, lorsque la Vierge s’adresse non plus aux puissants, mais au peuple.
Aux “petits rentiers”, aux “épargnants ruinés”, aux “pauvres gens”, elle ne promet plus rien :

« Quoi, s’écrie-t-elle d’un beau mouvement d’éloquence, vous plaignez-vous que la vie soit difficile, que votre existence devienne un enfer, mais à qui la faute ? »

Le ton devient cinglant : la Vierge de Bénard ne console pas — elle sermonne.
Elle rappelle au peuple ses enthousiasmes passés, ses illusions patriotiques :

« Vous-mêmes qui partiez en août 1914 avec des fleurs à vos fusils… »
« Vous avez voulu la guerre, vous avez donné Hitler à l’Allemagne. »

Sous l’humour, Bénard livre une analyse politique d’une profondeur rare : la montée des fascismes n’est pas seulement l’œuvre des dictateurs, mais aussi le fruit de la passivité, du suivisme et de la peur collective.
La satire anticléricale se transforme alors en leçon d’histoire immédiate : à force de déléguer leur salut, les peuples finissent par s’agenouiller devant leurs bourreaux.


Entre le sacré et le grotesque : l’art de la parabole

Pierre Bénard excelle ici dans un art du double sens.
Son texte emprunte les codes du merveilleux religieux — apparitions, voix célestes, conversions soudaines — pour mieux en révéler la dimension politique.
Sa Vierge parle comme une chroniqueuse sociale, mais derrière le rire plane la menace d’un monde qui perd ses repères.

En 1933, la France regarde l’Allemagne avec une inquiétude mêlée d’ironie : Hitler a pris le pouvoir, mais beaucoup pensent encore que le “miracle” nazi est passager.
Bénard, lui, comprend qu’un peuple qui cherche des signes dans les nuages risque de ne pas voir venir la tempête.

“Ayez tout de même pitié de nous, ô Vierge marrie !” conclut-il, dans une chute où le blasphème se fait prière.

Le “marrie”, jeu de mots sur “Marie”, est un chef-d’œuvre de noirceur ironique : une Vierge déçue, témoin désabusé d’un monde sans foi ni lucidité.


L’éclat d’un Canard à son sommet

Cet article, drôle et cruel, illustre la maturité du Canard des années 1930.
Sous la légèreté apparente du pastiche, il articule tout : l’anticléricalisme républicain, la critique sociale et la lucidité politique.
Pierre Bénard, avec son humour à froid, signe là une parabole à la fois prophétique et désespérée : dans un monde où l’on prie pour des miracles, le seul miracle possible reste celui du sursaut.