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N° 912 du Canard Enchaîné – 20 Décembre 1933

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Les réhabilitations nécessaires : M. Joseph Caillaux, par Pierre Bénard

Vers une compréhension plus juste de nos devoirs, de Jules RivetMe Moro-Giafferi et les déclarations fiscales des avocats – Ton dictateur f… le camp !  – Pierre Taittinger et les Jeunesses Patriotes – Des monstres effrayants sont signalés en France – Cécilosaure, serpent de mamers, judéozécoutt, bondutrésaure, prigoncourt, fiscusperceptaure – De la fausse barbe au courant d’air – Léon Daudet – L’affaire ciboulette et Simone Berriau – M. de Monzie – M. Bratiano – Léon Blum – Séraphin Chautemps – Queneau, Barrès, Montherlant – Réveillon, par Pedro

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Le 20 décembre 1933, Pierre Bénard signe dans Le Canard enchaîné une fausse réhabilitation de Joseph Caillaux, ministre revenu des scandales pour serrer la vis budgétaire.
Sous la forme d’un éloge ironique, Bénard signe un portrait au vitriol : celui d’un politicien qui “prend l’argent là où il n’est pas” et trahit ceux qui l’ont sauvé.
Dans une République fatiguée, où les corrompus reviennent blanchis, Le Canard livre un verdict définitif :

“Caillaux n’était sans doute pas un traître.
Mais c’est sûrement un salaud.”

« M. Joseph Caillaux » : Pierre Bénard ou l’art de la réhabilitation à rebours

Le 20 décembre 1933, Le Canard enchaîné poursuit sa série satirique des “Réhabilitations nécessaires” en s’attaquant à une figure politique aussi controversée qu’inépuisable : Joseph Caillaux.
Ancien président du Conseil, ministre des Finances, condamné après la guerre pour ses compromissions et ses intrigues financières, Caillaux est redevenu, en 1933, président de la commission des Finances du Sénat — autrement dit, gardien de la rigueur budgétaire.
Pierre Bénard, plume de vitriol, s’empare de ce retour pour livrer un texte d’une ironie assassine : sous le masque d’un éloge, c’est un acte d’accusation d’une rare férocité.


La fausse réhabilitation

Le titre — “M. Joseph Caillaux” — annonce la continuité avec les précédents épisodes : après Tardieu ou Hanau, voici le tour du « réhabilité » par excellence.
Dès l’ouverture, Bénard pose le ton, feignant la défense du “ploutocrate-démagogue” :

“On a été, à son égard, tout à fait de mauvaise foi… Rien dans la vie du sénateur de la Sarthe ne justifie une telle qualification.”

Mais, comme toujours chez Bénard, la louange est un piège. L’article inverse la rhétorique des journaux bien-pensants : il “absout” Caillaux en accumulant précisément les arguments qui le condamnent.
Le comique naît de ce décalage constant entre la forme et le fond : sous les phrases polies du défenseur se lit, en filigrane, le portrait d’un cynique revenu au pouvoir par effronterie.


L’homme du malentendu

Bénard prend pour fil directeur “le malentendu” autour de l’impôt sur le revenu, instauré par Caillaux en 1914. À l’époque, les milieux d’affaires avaient dénoncé en lui un “ennemi du capital”, tandis que les classes laborieuses y voyaient un champion de la justice fiscale.
Or, ironise le Canard, tout cela n’était qu’illusion :

“L’impôt sur le revenu ne touche en rien aux revenus, puisque les revenus sont tranquillement à Bâle sous la garde des membres les plus éminents de la commission des finances du Sénat.”

La phrase est une gifle. Bénard résume d’un trait le scandale moral de la Troisième République : les puissants votent l’impôt, mais placent leur fortune en Suisse.
Caillaux, dans ce contexte, n’est pas l’ennemi du capital, mais son serviteur le plus habile.


Le précurseur des injustices modernes

La suite redouble d’ironie. Bénard présente Caillaux comme un “précurseur incompris”, un visionnaire qui avait, “avant les temps présents, découvert cette vérité financière : il faut prendre l’argent là où il n’est pas.”
Autrement dit : chez les pauvres.
C’est un renversement magistral du discours économique de l’époque. La rigueur budgétaire devient une politique d’exploitation morale : le sacrifice du petit contribuable au profit du grand actionnaire.

Ainsi, quand Bénard écrit :

“Il avait trouvé, par la même occasion, l’appareil à peler les poires,”
il ne parle pas d’ustensiles ménagers, mais du système fiscal qui épluche les fonctionnaires et les salariés à chaque “redressement des finances”.


Une mémoire effacée

À partir de là, le texte glisse vers une charge historique. Bénard rappelle, sans jamais hausser le ton, le passé judiciaire de Caillaux : sa condamnation après la guerre, son passage par la prison de la Santé, son interdiction de séjour, sa vie d’exilé à Mamers.
Mais tout cela, dit-il, est oublié — “à commencer par M. Caillaux lui-même”.

L’oubli collectif devient un motif central de cette chronique de décembre 1933 :

“Qui se souvient de tout cela ? Tout le monde a oublié. À commencer par M. Caillaux lui-même.”

Dans la France troublée de 1933, où l’affaire Stavisky s’apprête à éclater, cette phrase sonne comme une prophétie : la mémoire publique est courte, et les corrompus reviennent toujours sous les habits de sauveurs.


Le renégat et ses douze balles

La deuxième moitié de l’article vire au règlement de comptes politique.
Bénard évoque ceux qui ont sauvé Caillaux de l’exécution en 1919 — les socialistes, le peuple de Paris, les ouvriers —, et comment l’homme, une fois revenu au pouvoir, s’est empressé de trahir ses sauveurs.

“Ces douze balles, M. Caillaux, libre, les a transformées en douze deniers qu’il a payés un par un à ceux qui l’avaient emprisonné.”

La métaphore biblique, entre Judas et Pilate, donne à la satire une portée quasi religieuse.
Caillaux n’est pas seulement un politicien cynique : il devient le symbole de la République dévoyée, celle qui se nourrit des sacrifices populaires pour enrichir les notables.


“Il n’était sans doute pas un traître…”

La dernière phrase est un chef-d’œuvre de cruauté tranquille :

“M. Joseph Caillaux n’était sans doute pas un traître. Mais c’est sûrement un salaud.”

Tout Bénard est là. En refusant l’insulte frontale pour la remplacer par un constat moral, il transforme la chronique politique en pamphlet de haute volée.
C’est une satire sans éclats, sans injure, mais d’une précision chirurgicale.

Et au-delà du portrait de Caillaux, c’est la Troisième République finissante qui s’y reflète : un régime de renégats qui se congratulent entre “honnêtes gens” tandis que les lampistes paient la note.


Un miroir de décembre 1933

Ce texte, paru quelques jours avant Noël, clôt symboliquement une année où Le Canard aura démonté, semaine après semaine, les illusions du pouvoir.
Bénard ne parle pas d’un homme : il décrit une époque — celle des ministères faibles, des scandales financiers, des “redressements” qui ne redressent rien.
Quelques semaines plus tard, l’affaire Stavisky éclatera, confirmant que le journaliste avait visé juste : la République, épuisée par ses “salauds respectables”, marche à sa perte.