Pierre Dumarchey, dit Pierre Mac Orlan, né le 26 février 1882 à Péronne (Somme) et mort le 27 juin 1970 à Saint-Cyr-sur-Morin (Seine-et-Marne), est un écrivain français.
Auteur d’une œuvre abondante et variée, il débuta par l’écriture de contes humoristiques, après avoir en vain tenté une carrière dans la peinture. À la suite de la Première Guerre mondiale, son inspiration se tourna vers le registre fantastique et le roman d’aventures. La dernière partie de sa carrière littéraire fut consacrée à l’écriture de chansons, essais et mémoires.
Au cours de sa jeunesse dans les premières années du XXe siècle, Mac Orlan vécut à Montmartre, où il se lia d’amitié avec Guillaume Apollinaire, Francis Carco ou encore Roland Dorgelès. À la même époque, il séjourna notamment à Rouen, Londres, Palerme, Bruges. Les souvenirs qu’il conserva de cette période, où ses moyens d’existence furent souvent précaires, lui servirent de matériau pour élaborer une œuvre à forte connotation autobiographique, qui influença entre autres André Malraux, Boris Vian et Raymond Queneau.
Témoin attentif de son temps, fasciné par les techniques modernes et les nouveaux moyens de communication, mais se tenant autant que faire se pouvait à distance des vicissitudes de l’histoire, il forgea la notion de « fantastique social » pour définir ce qui lui apparaissait comme étant l’envers trouble et mystérieux de son époque.
Il n’est pas aisé de reconstituer les années de jeunesse de Pierre Dumarchey, qui s’est montré peu éloquent sur le sujet, et s’est parfois plu à brouiller les pistes. Qui plus est, un certain nombre de documents ont été détruits, que ce soit par accident (les registres de l’état civil de Péronne, dont l’acte de naissance de Pierre Dumarchey, ont disparu dans le bombardement qui a détruit son hôtel de ville en 1916, les archives de l’École normale contenant son dossier ont été détruites pendant la Seconde Guerre mondiale) ou de volonté délibérée : le père de « Mac Orlan » brûla ainsi divers papiers et documents personnels dans les premières années du XXe siècle, et l’écrivain lui-même devait se livrer vers la fin de sa vie à un autodafé, brûlant dans son jardin une partie de sa correspondance et de ses archives personnelles, afin de ne pas avoir « des soucis posthumes », confia-t-il à un témoin de la scène.
La connaissance de ces années est cependant décisive pour comprendre la genèse de l’œuvre ultérieure, tant celle-ci puise ses matériaux dans le « noyau de matière vivante » que fut la jeunesse de son auteur, époque où Pierre Mac Orlan fit sa moisson de souvenirs. S’employant ensuite à les mettre en forme et à les « remâcher », voire à les exorciser, l’auteur du Quai des Brumes s’appliqua à effacer ses traces de jeunesse pour se construire une biographie pour partie légendaire, et devait gommer jusqu’à son nom d’état civil, au profit « d’une personnalité littéraire au nom fantaisiste dont le passé coïncidait merveilleusement avec son œuvre », écrit Bernard Baritaud, le principal biographe de Mac Orlan.
Bon voyage, vieux Mac ! *Paru dans Le Canard enchaîné le 1er juillet 1970
Dans cet hommage vibrant et plein de tendresse, Henri Jeanson adresse un adieu poétique et malicieux à Pierre Mac Orlan, disparu quelques jours plus tôt. Fidèle à son style, Jeanson jongle entre l’émotion sincère et l’humour caustique, dessinant un portrait profondément humain de l’écrivain, cet « aventurier en chambre » qu’il admire autant qu’il l’aime.
Jeanson met en lumière les paradoxes de Mac Orlan : un « pessimiste jovial », à la fois hanté par l’avenir et capable d’une légèreté désarmante. Avec une anecdote intime, il rappelle les confidences de Mac Orlan, ce rêveur qui espérait atteindre ses 80 ans tout en plaisantant sur l’inévitable. L’article regorge de petites touches qui rappellent la modestie et l’autodérision de Mac Orlan, cet homme qui fascinait même Charlie Chaplin, mais préférait ne pas s’en vanter.
L’humour n’est jamais loin, Jeanson relatant avec une ironie douce les derniers mots de Mac Orlan, entre marmelade et « cervelet en salade ». Le grotesque de cette évocation alimentaire devient une métaphore du rapport pragmatique mais lucide de Mac Orlan à la vie et à la mort. Jeanson le célèbre comme un esprit libre et bienveillant, capable d’accueillir sa vieillesse avec un sourire malgré ses douleurs.
La conclusion est à la fois légère et émouvante. Dans un ton badin, Jeanson demande à Mac Orlan d’embrasser leurs amis communs disparus et de ne pas oublier son accordéon « au cas où ». L’humour côtoie le chagrin dans un équilibre subtil qui témoigne de l’affection profonde et de l’admiration de Jeanson pour son « vieux Mac ».
Cet hommage, loin d’être lourdement solennel, capture l’essence même de Mac Orlan : un homme fait de rêves et de réalité, d’obscurité et de lumière, d’ironie et de poésie. Jeanson, en maniant une plume aussi brillante que tendre, offre à son ami une ultime révérence, fidèle à leur complicité intellectuelle et humaine. Un « bon voyage » à la fois sincère et désarmant, à l’image de l’homme célébré.