N° 2847 du Canard Enchaîné – 21 Mai 1975
N° 2847 du Canard Enchaîné – 21 Mai 1975
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Du vin au Dépôt…, par Michel Gaillard
Quand le pinard tourne au vinaigre judiciaire
Trente millions de litres de vin falsifié, des manipulations chimiques dignes d’un laboratoire, et une poignée de négociants peu scrupuleux : voilà l’affaire retentissante qui secoue le commerce du vin en 1975. Entre ajouts de potasse et sucre, reventes sous couvert de sociétés-écrans et profits colossaux, ce « pinard industriel » devient l’un des plus gros scandales de fraude alimentaire. Derrière les tonneaux trafiqués, on retrouve un réseau tentaculaire de sociétés, avec à leur tête Paul Crémieux, patron des Vins de France. Une fraude massive qui, au-delà des caves, éclabousse la confiance des consommateurs et l’image d’un secteur déjà en crise.
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Du vin au Dépôt…
Le vin frelaté, miroir d’un capitalisme sans scrupules
L’article de Michel Gaillard dévoile avec force détails l’ampleur d’une fraude qui, par son volume – trente millions de litres de vin trafiqués – prend des allures de supercherie industrielle. Derrière ce qui pourrait passer pour de simples « arrangements » de négociants, on découvre en réalité une mécanique bien huilée : l’utilisation de produits chimiques comme la potasse caustique, la transformation de sucre en alcool, et la falsification de la teneur en degrés du vin pour lui donner une apparente légitimité commerciale.
Cette « grande soupe », comme l’appelle ironiquement Gaillard, illustre un double scandale. D’une part, la fraude économique, car elle permet à certains intermédiaires de tirer d’énormes profits en inondant le marché de vins à bas coût, sous des étiquettes prestigieuses. D’autre part, l’atteinte à la santé publique, puisque ces manipulations introduisent dans la consommation courante des substances qui n’ont rien à faire dans un produit alimentaire. Le Canard s’amuse à relever que certains des produits employés pour le vin se retrouvent aussi… dans les bonbons, fabriqués par une confiserie complice.
Le commentaire de Gaillard s’inscrit dans une tradition satirique : derrière les chiffres et les noms d’entreprises, il dresse le portrait d’un capitalisme opportuniste, où l’appât du gain l’emporte sur la qualité, la sécurité et même l’honneur d’un secteur viticole déjà fragilisé par la surproduction et la concurrence internationale. La multiplication des sociétés-écrans, l’usage de dépôts pour masquer l’origine des produits et les relais suisses donnent à cette fraude des allures de roman noir financier.
En arrière-plan, c’est toute une critique du système qui transparaît : le vin, produit culturel par excellence, devient simple marchandise trafiquée comme n’importe quel produit chimique. En mettant en lumière ces pratiques, Le Canard enchaîné rappelle que derrière les grandes maisons et les étiquettes rassurantes se cachent parfois les mêmes logiques que dans d’autres secteurs industriels : tromper le client, maximiser le profit et, si possible, passer entre les mailles de la justice.
L’affaire, conclut Gaillard avec ironie, montre surtout que certains négociants auraient mieux fait de devenir marchands de vaisselle : au moins, la potasse y aurait été à sa place.