N° 704 du Canard Enchaîné – 25 Décembre 1929
N° 704 du Canard Enchaîné – 25 Décembre 1929
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25 décembre 1929 : Bénard offre un “cadeau” de Noël à Léon Daudet
Dans ce numéro de Noël, Pierre Bénard se moque de la comédie politico-médiatique autour de la grâce de Léon Daudet, le pamphlétaire monarchiste condamné pour diffamation après l’affaire Philippe Daudet. Quand Herriot, Daladier et Mandel volent à son secours, Le Canard s’amuse de cette unanimité de façade : “tout ce joli monde”, écrit Bénard, va supplier Tardieu comme on va communier. Dans un pastiche jubilatoire d’entretien imaginaire, Daudet lui-même remercie, raille, éructe et trinque. Derrière la farce, une charge contre la connivence entre politiciens républicains et vieilles figures de l’Action française.
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25 décembre 1929 : Léon Daudet, la grâce et la grimace
Le numéro de Noël du 25 décembre 1929 s’ouvre sur une page d’anthologie signée Pierre Bénard, l’un des plumes les plus redoutables du Canard enchaîné. Sous le titre ironique « M. Léon Daudet nous exprime sa reconnaissance pour ceux qui ont demandé sa grâce », il tourne en dérision la campagne de soutien en faveur du polémiste royaliste, condamné pour diffamation et en exil en Belgique.
Depuis Bruxelles, Le Canard feint de dépêcher un “envoyé spécial” qui serait allé interroger Daudet, et le met en scène comme un personnage grotesque : “Il ne mangeait pas, il buvait — il finissait une bouteille de bière.” Dans ce portrait d’un ogre repu et bougon, Bénard croque avec jubilation la figure du grand réactionnaire, mi-tragique, mi-burlesque.
Mais le véritable sujet de l’article n’est pas Daudet lui-même — c’est la mise en scène de sa réhabilitation. Depuis plusieurs semaines, André Tardieu, président du Conseil, est pressé d’accorder sa grâce. Des personnalités de tous bords — Édouard Herriot, Édouard Daladier, Marin, Mandel — se sont rendues à Bruxelles pour plaider en sa faveur. Ce cortège improbable, que Le Canard compare aux “trois mousquetaires” flanqués d’un singe, incarne à merveille ce que Bénard abhorre : la solidarité de caste qui unit républicains et réactionnaires dès qu’il s’agit d’un “homme du monde”.
Le journaliste imagine Daudet moquant lui-même ses “sauveurs” : Herriot “ma pipe et son Saladier”, Mandel “le Rothschild de la branche pourrie”, Marin “aux grosses moustaches poisseuses”. La verve de Bénard atteint ici un sommet de pastiche, multipliant les dialogues fictifs et les apostrophes :
“Seigneur, rendez-le-nous pour qu’il nous botte le cul !”
Sous l’humour, le texte exprime une vraie colère. Pour Le Canard enchaîné, la demande de grâce adressée à Tardieu symbolise la complaisance du régime envers les ennemis de la République. Daudet, figure de l’Action française, avait pourtant été l’un des plus féroces détracteurs du parlementarisme. L’idée qu’un président du Conseil puisse envisager son pardon, sous la pression de notables et de journalistes, est vécue comme un scandale.
Bénard règle aussi ses comptes avec le petit monde littéraire : il égratigne Georges Lecomte de l’Académie française, “l’outre gonflée de tous les vents”, et Edouard Herriot, qu’il imagine siéger un jour sous la Coupole “comme une motte de beurre ranci”. Dans ces caricatures féroces, on reconnaît le style du Canard des grandes années : un humour d’ivrogne lettré, mais servi glacé.
Le texte se clôt sur une pirouette : Le Canard “rend le papier à M. Léon Daudet”, feignant d’accepter ses remerciements, tout en l’enfonçant une dernière fois sous un flot de sarcasmes. “C’est tout ce qu’ils demandent, ces abrutis-là !” Daudet, fictivement “reconnaissant”, est renvoyé à son propre grotesque : celui d’un nationaliste en quête de rédemption mondaine.
En cette fin d’année 1929, à l’heure où la France se drape dans une morale républicaine vacillante, Pierre Bénard signe une leçon de journalisme satirique : ni grâce ni gratitude — seulement la vérité et le rire.





