N° 709 du Canard Enchaîné – 29 Janvier 1930
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29 janvier 1930 — Les diplomates désarment… de rire
Quand Pierre Bénard tourne en dérision la Conférence navale
À Londres, on parle désarmement naval sous la houlette d’André Tardieu. Mais dans Le Canard enchaîné, Pierre Bénard décrit une délégation française plus familière du whisky que des traités. Briand pêche à la ligne, Piétri rayonne, Tardieu plaisante : la paix se négocie à coups de bons mots. Derrière l’humour, une satire mordante de la diplomatie de salon, où les puissances se congratulent sans rien céder. 1930 ou l’art de parler désarmement en gardant les canons pleins.
Exemplaire comportant déchirures et légers manques restaurés.
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Sous la direction de M. Tardieu la délégation française à la conférence navale travaille avec bonne humeur
À la une du Canard enchaîné du 29 janvier 1930, Pierre Bénard déploie une ironie de haute mer. Sous un titre faussement rassurant — « la délégation française travaille avec bonne humeur » —, il s’amuse des discours convenus sur la Conférence navale de Londres, censée œuvrer au désarmement mondial. En réalité, tout le monde s’y amuse, boit, plaisante… sauf à désarmer.
Depuis le 21 janvier 1930, la conférence réunit les grandes puissances maritimes — États-Unis, Royaume-Uni, France, Italie et Japon — pour prolonger les accords de Washington de 1922. L’enjeu : limiter la course aux armements navals. Mais pour Le Canard, la diplomatie internationale ressemble davantage à un music-hall qu’à un chantier de paix. Bénard brosse une série de scènes où les représentants français rivalisent d’activité… dans la détente.
Aristide Briand, chef de la diplomatie, « une canne à pêche à la main, s’installe sur les bords de la Tamise ». François Piétri, ministre de la Marine, « rayonne » au retour d’un match de football. Quant aux techniciens, ils « font aussi du très bon travail autour de bouteilles de whisky ». On croirait lire le carnet mondain d’une délégation en villégiature plus que le compte rendu d’un sommet sur la paix.
La « bonne humeur » de M. Tardieu, président du Conseil, devient un fil conducteur. Fumeur de cigarette et d’esprit, il répond aux journalistes : « Je ne suis pas venu à Londres pour voir mettre knock-out quelqu’un. » La métaphore pugilistique dit tout du cynisme ambiant : on parle de désarmement comme d’un combat, et on savoure la mise en scène du dialogue. L’humour de Bénard, tout en feignant la connivence, ridiculise cette diplomatie de façade.
La dernière partie de l’article, sous couvert d’une « quasi-unanimité », souligne la vacuité des débats : tout le monde est d’accord pour constater que personne ne renoncera à rien. L’Angleterre, le Japon et les États-Unis défendent leur suprématie navale ; la France, puissance moyenne, justifie sa flotte au nom de sa « situation géographique » ; l’Italie fait valoir sa péninsule. À la fin, « il suffît de très peu pour que tout le monde soit bientôt d’accord » — sur leur désaccord.
Sous la légèreté, Bénard touche à une vérité lourde : la paix de 1930 n’est qu’un théâtre diplomatique. Derrière les mots d’esprit, le Canard perçoit déjà la menace des années 1930, marquées par la montée des nationalismes et le réarmement. La « bonne humeur » devient un masque : celle d’une Europe qui plaisante en sirotant son whisky pendant que l’histoire s’alourdit.
Le dessin de Guilac "Les délégués au travail", en contrepoint, parachève la satire : Tardieu et les diplomates, au spectacle, sous le drapeau de la « Conférence navale ». Toute la lucidité du Canard est là : la France officielle se félicite de sa « sérénité », tandis que la presse indépendante en révèle l’absurdité. Bénard, par son humour tranquille, anticipe déjà les échecs des désarmements des années suivantes — Genève, 1932, puis Munich, 1938.





