N° 727 du Canard Enchaîné – 4 Juin 1930
N° 727 du Canard Enchaîné – 4 Juin 1930
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4 juin 1930 — Tardieu tend le rameau… et la trique
Pierre Bénard orchestre la “Symphonie des ministères”
À Dijon, André Tardieu promet aux radicaux une “loyale collaboration”. Pierre Bénard traduit : des “manches à balai” pour tous. Sous la plume du Canard, le rameau d’olivier se transforme en bâton de maréchal… et la bonne humeur ministérielle en farce républicaine. Entre flatterie, ironie et calculs électoraux, Tardieu joue sa partition — pendant que Guilac, lui, fait danser les balais.
La valse des préfets, dessin de Dubosc.
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M. André Tardieu offre aux radicaux une loyale collaboration
Le 4 juin 1930, Le Canard enchaîné place à sa une un article de Pierre Bénard intitulé « M. André Tardieu offre aux radicaux une loyale collaboration », accompagné d’un dessin savoureux de Guilac : on y voit Tardieu, en chef d’orchestre ironique, proposant des « manches à balai » à des radicaux penauds. Une allégorie parfaite de la comédie parlementaire de la Troisième République, où les alliances de circonstances se parent de grands mots pour masquer les calculs les plus prosaïques.
Depuis sa nomination à la présidence du Conseil, en novembre 1929, André Tardieu — ancien collaborateur de Clemenceau, converti au centre droit — tente de s’imposer comme le restaurateur de la “grandeur républicaine”. Il se veut l’homme du “réalisme”, du “redressement moral” et de la modernisation administrative. Mais à l’approche des élections législatives de 1932, il cherche à consolider sa majorité. D’où son discours prononcé à Dijon, que Bénard démonte ligne par ligne : un appel à la « loyale collaboration » des radicaux, aussitôt perçu comme un numéro d’équilibriste politique.
Le ton du Canard est moqueur dès la première phrase : « Ce ne fut pas seulement un rameau. Ce fut une trique. » Autrement dit, derrière la main tendue se cache la menace. Bénard s’en donne à cœur joie, pastichant le style oratoire de Tardieu et multipliant les formules assassines : « Il leur a offert sa main loyale avec une énergie telle que des gens mal intentionnés ont pu dire qu’il la leur mettait sur la figure. » Sous la plaisanterie perce la lucidité politique : Tardieu, sûr de sa force, invite les radicaux à venir travailler avec lui, mais sans leur laisser le moindre “levier de commande”. D’où la réplique dessinée par Guilac : “Des leviers de commande, jamais ! Des manches à balai, tant que vous voudrez !”
Pierre Bénard, comme souvent, transforme le commentaire parlementaire en satire sociale. Il souligne que, dans la France de 1930, le pouvoir se résume à un partage de strapontins et de circonscriptions : « Tous les bons Français qui communient le dimanche et passent à la caisse chaque fin de mois n’ont pas caché leur enthousiasme. » La religion et la bourse, l’encens et le dividende : voilà les véritables piliers du système. Derrière le vernis de la “loyale collaboration”, il y a la valse des ministères et des “symphonies gouvernementales”, comme le titre l’encadré voisin : “On vient de créer une symphonie des ministères”.
Mais ce texte, sous ses airs de farce, illustre aussi une inquiétude : celle d’un régime qui s’essouffle. En 1930, la crise économique mondiale commence à se faire sentir, tandis que les gouvernements se succèdent sans vision. Tardieu, qui rêvait d’un pouvoir fort et d’une France rajeunie, se heurte à la vieille mécanique parlementaire, que Le Canard connaît trop bien pour ne pas en rire. Bénard, en chroniqueur habile, dévoile le ridicule d’un discours plein de bonne humeur mais vide de substance : la promesse d’union n’est qu’un nouvel épisode du théâtre politique.
L’article se clôt sur une note de sarcasme : Tardieu, dit-on, “tend le rameau d’olivier”, mais il manie surtout le balai. Balayer les radicaux, ou balayer la poussière des vieilles alliances ? Qu’importe : la comédie continue, et Le Canard en tire, comme toujours, une partition en mineur.





