N° 816 du Canard Enchaîné – 17 Février 1932
N° 816 du Canard Enchaîné – 17 Février 1932
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La dernière manœuvre de M. Pierre Laval
Février 1932 : le Sénat renverse le gouvernement Laval, et Le Canard enchaîné en fait une comédie irrésistible. Entre une « interpellation Peyronnet » transformée en querelle de famille et la fausse élection de « Miss Auvergne 1932 » pour sa fille José, le journal tire à boulets rieurs sur un pouvoir à bout de souffle. Dans le dessin de Guilac, dans les mots du Canard, Laval tombe… mais avec panache — et un accent auvergnat.
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17 février 1932 : Pierre Laval, la manœuvre de trop
En ce 17 février 1932, Le Canard enchaîné s’en donne à cœur joie : Pierre Laval vient d’être renversé la veille par le Sénat, et le journal consacre sa une à ce qu’il appelle, non sans malice, « la dernière manœuvre de M. Pierre Laval ». L’événement, pourtant politique, devient sous la plume du Canard un vaudeville où s’entremêlent satire parlementaire, potins mondains et cocasserie provinciale. Le dessin de Guilac, montrant Laval réconfortant une « petite José » éplorée, résume à lui seul la tonalité du numéro : mordante, railleuse, et d’une ironie sans pitié.
La veille, mardi 16 février 1932, le Sénat a en effet censuré le gouvernement Laval à la suite d’une interpellation du sénateur Louis Peyronnet sur la gestion financière et la politique étrangère du Cabinet. Le président du Conseil, déjà affaibli par la crise économique et par ses ambiguïtés diplomatiques entre Paris et Rome, voit sa majorité s’effondrer. Dans la tradition de la IIIe République, la chute est aussi rapide que prévisible — mais Le Canard, lui, choisit de l’aborder sous un autre angle : celui du timing.
Sous la plume d’un chroniqueur anonyme, l’article raille le « petit malin » qu’est Laval, « plus fortiche qu’on ne se figure », et feint de dévoiler une conspiration d’un genre très particulier : l’homme aurait fait fixer le débat parlementaire un mardi après-midi, « jour d’impression du Canard », afin de prendre de court la rédaction et de l’empêcher de commenter sa chute en temps utile. L’accusation, bien sûr, est fictive — mais l’effet comique est irrésistible. Le texte suggère que Laval, tout en tombant du pouvoir, aurait trouvé le moyen de se venger du journal satirique. Et d’imaginer, dans une scène délicieusement absurde, un Laval goguenard se moquant de ses censeurs : « Le Sénat va peut-être me f… par terre, mais je pense à la gueule qu’ils doivent faire en ce moment au Canard ! » Une pirouette qui inverse la hiérarchie des institutions : à la fin, le vrai pouvoir, c’est celui de la presse moqueuse.
L’article voisin, « Mlle José Laval est élue Miss Auvergne 1932 », complète la charge par un humour de boulevard. La fille du président du Conseil, José Laval, est faussement couronnée « Miss Auvergne » par un comité imaginaire — symbole d’un népotisme aussi léger que grotesque. Sous les apparences d’un compte rendu de gala, la satire vise la propension du clan Laval à confondre pouvoir et domesticité. Les dialogues sont irrésistibles : « Moi et mon papa, nous sommes heureux de marcher à la tête de l’Auvergne et de la civilisation réunies ! » La chronique s’achève sur une apothéose auvergnate, entre soupe aux choux, merlan frit et patriotisme de terroir, où les applaudissements de circonstance couvrent la débâcle politique.
Le dessin de Guilac renforce cette tonalité bouffonne. On y voit Laval, massif, tenant le journal mentionnant son interpellation devant une jeune femme en pleurs, caricature attendrissante de José Laval. La légende — « Hou ! le vilain sénateur qui fait du chagrin à ma petite José ! » — résume toute la scène politique : un homme d’État renversé ramené au rôle de père outragé, le Sénat transformé en théâtre familial. Comme souvent, la caricature du Canard n’épargne ni la personne ni la fonction.
Dans le contexte de 1932, cette satire prend une dimension particulière. La France s’enfonce dans la crise économique, la défiance envers les partis s’accroît, et Laval — ancien socialiste devenu opportuniste — incarne aux yeux de la gauche la trahison du mouvement ouvrier, tandis que la droite le juge trop instable. En ridiculisant son départ plutôt qu’en le dramatisant, Le Canard saisit l’esprit exact du moment : celui d’une lassitude nationale face à la valse des gouvernements.
La chute de Laval, si elle n’a rien de tragique, devient sous la plume du journal une comédie en trois actes : un Sénat moqueur, un père attendri, et une « Miss Auvergne » proclamée dans un élan patriotico-burlesque. Le tout se clôt sur une morale à la manière du Canard : que les puissants tombent bien ou mal, ils tombent toujours — et souvent, dans un éclat de rire.





